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L’Ukraine et la Russie étaient-elles vraiment à bout touchant d’un accord aussitôt après le début de la guerre? Nous le mentionnions dans un précédent article. Depuis lors, Poutine a évoqué cet épisode devant les chefs d’Etat africains qui lui rendaient visite après un passage à Kiev. Cet épisode historique ne doit pas rester balayé. Même si aujourd’hui, la donne s’est encore tragiquement assombrie, même s’il n’est pas question de pourparlers. Pour le moment.
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Aussitôt après le début de l’invasion russe commencée le 24 février 2022, les deux belligérants mesurèrent l’abîme qui s’ouvrait devant eux. Les Ukrainiens entrevoyaient le désastre et les Russes mesuraient leur erreur: contrairement à leur attente le pays agressé se dressait face à eux avec une vigueur inattendue. Les uns et les autres cherchèrent à arrêter la machine de guerre avant qu’elle ne s’emballe.
Une première rencontre officielle se tint entre leurs représentants en Biélorussie. Puis le président turc Erdoğan les invita à Istanbul. Pour la petite histoire… La délégation ukrainienne chercha à consulter un ami de Poutine pour évaluer les chances de cette rencontre: Gerhard Schröder. Ils entrèrent en contact avec lui par l’intermédiaire de Marc Walder, CEO de Ringier, à Zurich! L’ex-chancelier allemand nous a raconté, l’été passé, les discussions qu’il eut alors avec les négociateurs des deux camps. Il se rendit aussi en Turquie. Les pourparlers se tinrent les 10 et 29 mars à Istanbul et Antalya. Plusieurs points d’accord furent trouvés. Les Russes devaient se retirer, l’Ukraine devenir un Etat neutre, avec une armée – dont les effectifs devaient encore être définis –, les provinces séparatistes de l’est devaient accéder à un statut d’autonomie comparable à celui de la Catalogne ou de l’Ecosse. La Crimée? Les Ukrainiens proposèrent d’y tenir un référendum sur son appartenance… dans un délai de quinze ans! Cet accord sur «la neutralité et la sécurité de l’Ukraine» devait être supervisé et garanti par plusieurs puissances européennes. Et la Russie. Ce qui passait mal, il est vrai. Un premier papier fut signé par les deux parties. Celui que Poutine vient de brandir devant les caméras et ses hôtes africains, en signe de bonne volonté pour tout autre palabre de paix. Face au suspense de Istanbul, le quotidien allemand à grand tirage Bild, connu pour ses informations privilégiées en provenance de Kiev, titrait: «Accord entre l’Ukraine et la Russie "dans les prochains jours" possible. Enfin la paix en vue?»
Les Russes se retirèrent alors de Kiev. Parce que leur colonne de chars, à l’entrée de la ville, se trouvait sous le feu, dit-on à l’ouest. Pour faciliter les négociations, selon Moscou. Mais les troupes laissèrent derrière elles les victimes des tueries de Boutcha. Les corps disposés sur la chaussée étaient offerts au spectacle médiatique. La colère monta de plusieurs degrés en Occident. Le Premier ministre israélien alors en poste, Naftali Bennett, qui avait fermement soutenu les efforts de paix, déclara alors: «C’est fini.» De fait l’espoir était enterré. Début avril, Gerhard Schröder rencontra Poutine et confia qu’il l’avait trouvé très pessimiste sur les chances d’aboutir à un accord, voyant l’Occident déterminé, selon lui, à faire plier la Russie et à la marginaliser durablement. Et pourtant… Même après le 17 mai, la chute de Marioupol, la rupture officielle des pourparlers, les contacts n'ont pas été complètement rompus. Les belligérants ont continué à parler de questions humanitaires, notamment de l'échange de prisonniers et des corps de soldats tués. Ce canal de discussion existe encore aujourd'hui. Sous la médiation du président turc Erdoğan et du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, un fil dynamique de négociations s'est en outre développé sur l'ouverture des ports ukrainiens de la mer Noire bloqués pour l'embarquement de céréales ukrainiennes.
Il a été dit que Boris Johnson, Premier ministre de Grande-Bretagne, aurait fait savoir à Zelensky, début avril, qu’il ne fallait en aucun cas conclure cet accord, qu’il fallait poursuivre la guerre, avec l’appui déterminé des Occidentaux. Il n’a jamais démenti. Il faut se souvenir que BoJo, plus belliqueux que jamais, hostile à tout arrangement, s'était précipité à Kiev le 10 avril déjà, dix jours après que les belligérants, en Turquie, avaient signé un premier engagement «pour la neutralité et la sécurité de l’Ukraine», selon la désignation officielle, se promettant de se revoir. Les connaisseurs de la politique américaine estiment que le gouvernement Biden préférait lui aussi la poursuite du conflit qu’il prévoyait et préparait depuis des années. Autant pour affaiblir la Russie que pour protéger l’Ukraine. Les Occidentaux ont donc sifflé la fin de l’exercice négociatoire.
Il faut par ailleurs considérer les fortes tensions, avant, pendant et après cet épisode, au sein même du pouvoir de Kiev. Il n’est pas étonnant que Zelensky ait, dans un premier temps, cherché à arrêter la guerre. Russophone, juif, élu à une forte majorité en 2019 notamment grâce aux voix de l’est ukrainien, beaucoup l’oppose à la mouvance ultra-nationaliste de l’ouest du pays, très influente dans l’administration et l’armée. Celle-ci a tout fait pour saborder la négociation. Depuis lors, elle a contribué à conduire le Président vers son rôle de va-t’en-guerre acharné. Aujourd’hui encore celui-ci est sous la pression, sous les menaces diffuses de l’aile des plus durs. La presse ukrainienne, bien que très limitée dans sa liberté d’expression, n’en fait pas mystère. Certains chuchotent que si la situation sur le champ de bataille ne s’améliore pas, cela pourrait mal, très mal tourner pour la coqueluche des médias occidentaux. Une hypothèse – vraisemblable – veut que les attaques sur le sol russe soient initiées par les ultra-nationalistes. En tout cas, le gouvernement de Zelensky n’assume pas cette responsabilité.
Sans considérer la diversité des sensibilités et des comportements de ce vaste pays, on ne comprend rien à son passé, à son présent et rien non plus aux perspectives de son avenir.
Quelque lueur à l’horizon? Ce n’est pas exclu. La stagnation des fronts, la lassitude croissante de la population ukrainienne, l’inquiétude du Kremlin face à la surenchère de ses propres ultra-nationalistes, la campagne électorale de Biden qui se passerait bien de la valse des milliards due à la guerre… Tout cela pourrait converger et amener enfin à des négociations de paix. Mais tant d’accidents spectaculaires, plus ou moins volontaires, peuvent encore se produire qui relanceraient le théâtre belliqueux. Au-delà même du champ de bataille actuel.
8 juillet 2022
L’avertissement dramatique est lancé depuis des mois. Le blocage des exportations de blé et autres céréales à partir de l’Ukraine et de la Russie va affamer le monde. Poutine use là d’une arme odieuse. Tous les médias ont martelé le message. Et voilà que surgit une information qui ne confirme pas du tout cette assertion. Non pas sur les sites de la propagande russe. Sous les plus honorables enseignes: la «Sueddeutsche Zeitung», le «Tagesanzeiger» et le «Schweizer Monat». La surprenante nouvelle en revanche ne parviendra pas aux radios et aux télés.
En réalité le prix du blé, sur les marchés mondiaux, est tombé, le 1er juillet, à son niveau le plus bas depuis quatre mois. Sur le Chicago Mercantile Exchange (CME), le prix du boisseau (environ 27 kilos) a chuté de plus de 35% depuis le pic du 7 mars. Sur le Matif à Paris, le prix par tonne a baissé d'un peu plus de 18% en un mois. Pourquoi? D’abord parce que l’Ukraine a réussi à exporter beaucoup plus de grains que prévu. La Russie aussi et s’apprête à faire davantage encore avec l’aide de la Turquie qui tente de sécuriser le trafic commercial dans la mer Noire. Et puis, les fluctuations saisonnières ont leur part. La récolte 2022 qui s’annonce excellente a déjà commencé alors que les stocks sont encore importants. Le prix du maïs baisse également, celui du colza est même tombé à son niveau de fin 2021.
Sursaut conjoncturel cependant le 4 juillet, selon le site spécialisé Agritel: «Net rebond des cours du blé hier sur Paris, à la faveur notamment d’un nouvel achat de la part de l’Egypte sous forme de négociations privées, sur lequel la France aurait été retenue pour une partie. Au total 444'000 tonnes auraient été ainsi contractualisées, réparties entre 214'000 tonnes d'origines russes, 170'000 d'origines France et 60'000 de Roumanie. Il est assez inhabituel de voir l’origine France retenue en début de campagne, ce qui laisse supposer une bonne compétitivité actuellement, et une demande à l’international soutenue.»
Pas tout à fait ce que l’on nous a raconté!
S uivre l’actualité, c’est bien. Retrouver les articles d’hier peut être intéressant aussi. Plongée dans la presse romande de janvier 2017. Quand sévissait la grippe… Comparaison n’est pas raison. Mais nos trous de mémoire donnent à penser. Sans nier la gravité de l’actuelle pandémie.
Le Nouvelliste (13.01/2017) Les hôpitaux du Valais romand sont saturés. Les 662 lits dotés en personnel sont tous occupés depuis plusieurs jours (…) Le report de certaines opérations programmées pourrait être décidé.
La Tribune de Genève (17/01/2017) Les malades de la grippe font déborder l’Hôpital. Le directeur médical de l’établissement déclare: «Aujourd’hui, nous manquons de lits. Le personnel s’épuise et risque de tomber malade…» Plusieurs services, comme la chirurgie et les soins palliatifs, ont été priés d’accueillir des patients grippés.
24 heures (25/01/2017) L’OMS, en état d’alerte élevée, appelle les Etats à plus de vigilance. «Depuis deux mois, près de 40 pays ont été confrontés à des épidémies de grippe aviaire hautement pathogène. De nouvelles souches, comme le H5N6 en Asie ont été constatées.»
ATS (15/02/2017) La grippe a provoqué en ce début d'année une nette surmortalité chez les aînés. La faute au sous-type H3N2 particulièrement virulent cette année. L'excès de mortalité frappant les personnes de plus de 65 ans a été observé dès le 26 décembre jusqu'au début de février, indique l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Durant ces six semaines, 1440 décès de plus ont été recensés par rapport aux prévisions statistiques. Cette surmortalité est comparable, quoique dans une moindre proportion, à celle de l'épidémie d'il y a deux ans. Durant les premières semaines de 2015, le nombre de décès avait augmenté de 17% (soit 2200 de plus) par rapport aux prévisions basées sur les chiffres des années précédentes.
Le Matin (05/02/2017) Nos mains sont de vrais nids à bactéries. Selon des tests effectués en laboratoire, «on peut potentiellement transmettre de 100 000 à 100 millions de bactéries en serrant la main d’autrui», illustre le Professeur Didier Pittet. Un nombre qui atteint 1000 à 10000...milliards si les mains ont été en contact avec des selles (…) La survie des virus dépend de plusieurs paramètres: type de virus, surface, milieu, température, humidité, etc. Sur les doigts, les virus de la grippe et du rhume survivent sans problème deux heures au moins, a observé Caroline Tapparel Vu. Sur les billets de banque, leur résistance est impressionnante: «Selon nos études, le rhinovirus survit plus de cinq jours, celui de la grippe jusqu’à trois. La présence de mucus nasal augmente leur résistance.» Le moyen le plus efficace pour se prémunir des microbes reste le lavage fréquent et rigoureux des mains, soit avec de l’eau chaude et du savon, soit, encore plus efficacement, avec une lotion hydroalcoolique. «Grâce à cette solution, on supprime entre 100 000 et 1 million de bactéries, en 15 secondes seulement. Avec de l’eau et du savon, on ne dépasse jamais le millier ou une dizaine de milliers», conclut le professeur Pittet. Sachez-le, il n’est pas inutile de garder ses distances – un mètre au minimum avec les personnes victimes d’une infection respiratoire, et d’avoir une hygiène appropriée.
La Tribune de Genève (03/06/2017) Raconter sa grippe sur une application. Et si Monsieur et Madame Tout-le-monde contribuaient à la production de connaissances scientifiques? C’est l’objectif de la science participative. Le projet Grippe-Net en fournit un bon exemple. Cette initiative, financée par l’Union européenne, reprise dans onze pays, dont la Suisse en 2016, propose à tout un chacun de participer à une meilleure surveillance de la grippe. Comment? En déclarant sur un site Internet le moindre symptôme pouvant évoquer un début de grippe, semaine après semaine. L’idée: détecter l’arrivée et suivre l’évolution de la maladie de manière plus fine et réactive que les réseaux traditionnels, basés sur les notifications des médecins. A long terme, l’objectif consiste à mieux comprendre la grippe. On ignore, par exemple, comment les gens l’attrapent. «Ce n’est pas le type de renseignement récolté par les médecins, relève le professeur Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale et initiateur du projet pour l’Université de Genève. Si le malade a la possibilité de décrire ses symptômes, de détailler ses habitudes, de dire où il vit, cela aidera à mieux comprendre comment la maladie se propage.»
La Tribune de Genève (28/06/2017) En 2017, près de 67 000 personnes sont mortes en Suisse. C'est 2000 (3,1%) de plus que l'année précédente, comme le montrent les résultats définitifs de la statistique du mouvement naturel de la population de l'Office fédéral de la statistique (OFS). Cette augmentation est attribuée à la grippe hivernale, qui a particulièrement touché les personnes âgées.
Ces informations largement oubliées posent aujourd’hui bien des questions. Comment s’annonce la grippe saisonnière cette année? Les «cas» seront-ils comptabilisés hors de ceux dus au Covid? Les hôpitaux «débordés» en 2017 ont-ils pris toutes les mesures pour que cela ne se reproduise pas? Pourquoi, lors des mesures recommandées alors contre la grippe, le mot «confinement» n’apparaissait-il elle nulle part?