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Dans cet épisode, on va explorer comment l’humanité a complètement bouleversé son environnement au cours des 12 000 dernières années, et comment ces changements nous ont impactés en retour.
Nous allons étudier comment les sociétés humaines des Amériques, de l’Europe et de la Chine se sont transformées durant 4 grandes périodes de l’histoire :
Le Néolithique, l'âge des empires, la modernité , et la grande accélération.
Quels sont les éléments clés qui ont fait basculer nos sociétés, des fois jusqu’à leurs effondrements ? Qu’est-ce que le passé nous apprend pour faire face aux crises actuelles et futures ?
Laurent Testot est journaliste scientifique et spécialiste d’histoire globale (voir certains de ses ouvrages ci-dessous).
SOMMAIRE
00:00:00 Introduction
00:04:06 Histoire classique vs.Histoire globale
00:13:36 Désaccords entre les histoires globales
🟢 PÉRIODE 1 (de -10000 à -4000)
00:15:28 1ère période : Le Néolithique
00:26:44 Agriculture et domestication
00:29:31 Agriculture et sédentarisation
00:36:06 Agriculture et démographie
🔵 PÉRIODE 2 (de -3000 à 500)
00:39:11 2ème période : Les empires
00:39:28 Arrivée de la métallurgie
00:47:20 Métallurgie et déforestation
00:53:35 Empires et religions universelles
01:07:20 Premières grandes cités
🟡 PÉRIODE 3 (de 1500 à 1900)
01:08:11 3ème période : La modernité
01:09:36 Colonisation et domination européenne
01:15:18 Domination européenne et commerce
01:21:10 Domination européenne et conquête des océans
01:24:34 Europe vs. Chine
01:28:47 Energies fossiles et révolution industrielle
🔴PÉRIODE 4 (de 1950 à aujourd'hui)
01:36:13 4ème période : La grande accélération
Conclusion :
01:52:05 Quelles pistes ouvre l’histoire globale ?
02:01:25 Résumé de l'épisode
🔷 RÉFÉRENCES ET IDÉES CLÉS
Livres de Laurent Testot cités :
• Cataclysmes (2017)
• Les forêts (2024)
• Homo Canis (2018)
Autres livres :
• The Rise of the West, McNeill
• Au commencement était... Graeber & Wengrow
• 1177 BC, the Year Civilisation Collapsed, Cline
• Zomia, Scott
• Genocides tropicaux, Davis
• La fin de la mégamachine, Scheidler
• Les entrelacements du monde, Stanziani
• Structure de l'histoire du monde, Karatani
• Human Versus Nature, Headrick
• L'homme et la nature, Chansigaud
Principes de l'histoire globale :
• Grandes périodes
• Grandes distances
• Transdisciplinaire
• Multi-échelles
Ce que montre l’histoire globale :
• Rien n’est déterminé
• L’humain est créatif en tout contexte
• Les solutions sont multiples
Personnes citées :
• William McNeill
• Alfred Crosby
• Yuval N. Harari
• David Graeber
• Jared Diamond
• Ian Morris
• Fernand Braudel
• Immanuel Wallerstein
• Philippe Beaujard
• David Wengrow
• James C. Scott
• Fabrice Desjours
• Kenneth Pomeranz
• Samir Amin
• Andreas Malm
Avez-vous déjà entendu parler du « chop and drop » ? Cette technique de jardinage, que l’on pourrait traduire par « couper et déposer », gagne en popularité pour son approche respectueuse de l’environnement. Cette méthode consiste à couper les plantes, les branches ou les feuilles et à les laisser sur place, directement sur le sol du jardin. L’origine de cette pratique remonte aux méthodes agricoles traditionnelles, où les résidus de plantes étaient utilisés pour enrichir et protéger le sol.
Dans le contexte actuel du jardinage durable, le chop and drop se révèle particulièrement pertinent et favorise la création d’un écosystème autosuffisant où les déchets organiques se décomposent naturellement, enrichissant ainsi le sol en nutriments essentiels. On vous explique tout sur cette pratique, qui s’inscrit dans une démarche de permaculture, visant à créer des jardins durables et auto-entretenus.
Les pyramide et mégalithes sont des outils de dynamisation des semences. On place les graines sur la plateforme au sommet, et la forme pyramidale concentre les charges électrique pour dynamiser les graines.
Voir aussi en vidéo... Loïc Etcheberry
Comment avoir de l'eau sur mars ?
Un moyen peut-être même plus simple que d'aller collecter l'eau martienne à l'autre bout de la planète. Il s'agit en fait, comme l'explique la vidéo ci-dessous (en anglais), de faire brûler de l'hydrogène (ou de l'hydrazine dans le film) et de récupérer de l'eau sous l'effet de la condensation :
Une autre histoire des civilisations
—Michael Marshall,publié le 27 juin 2023 (et le 25.12.2023)
Il y a 10 000 ans, l'humanité est passée de l'ère des chasseurs-cueilleurs à des organisations sociales complexes. On croyait que l'essor de l'agriculture avait été l'élément déclencheur, mais de récentes découvertes scientifiques contredisent ce récit.—New Scientist, extraits [Londres]
Tout au long de son existence, ou presque, notre espèce a parcouru la planète, vivant de la chasse et de la cueillette en petits groupes, se déplaçant vers de nouvelles régions où le climat était propice, et les quittant quand les conditions devenaient intenables. Pendant des centaines de milliers d'années, nos ancêtres ont utilisé le feu pour cuire leurs aliments et se réchauffer. Ils ont fabriqué des outils, des abris, des vêtements et des bijoux – mais leurs possessions se limitaient à ce qu'ils pouvaient emporter. Parfois, ils ont croisé d'autres hominidés, comme les Néandertaliens, et il est arrivé qu'ils aient des relations sexuelles avec eux.
Durant des dizaines et des dizaines de siècles, l'histoire s'est poursuivie sans jamais être écrite. Puis, il y a 10 000 ans, tout a commencé à changer.
En certains endroits, les gens ont commencé à cultiver des végétaux. Ils sont restés plus longtemps sur un même site. Ils ont construit des villages et des villes. Divers génies méconnus ont inventé l'écriture, l'argent, la roue et la poudre. En quelques millénaires à peine – un clin d'œil au regard de l'évolution –, des cités, des empires et des usines se sont multipliés partout sur la planète. Aujourd'hui, la Terre est ceinturée de satellites en orbite et sillonnée de câbles Internet. Rien de tel n'avait jamais eu lieu.
Les archéologues et les anthropologues se sont efforcés d'expliquer cette transformation aussi rapide qu'extraordinaire. Leur récit, le plus souvent, évoque une sorte de piège : une fois que les gens se sont mis à l'agriculture, il n'a plus été possible de faire marche arrière, et l'humanité a été emportée par une cascade de complexité sociale qui a abouti inexorablement à la hiérarchie, aux inégalités et à la destruction de l'environnement.
Cette vision lugubre de l'avènement de la civilisation s'est imposée durablement. Or plus on étudie de sociétés, moins cette version des faits paraît plausible. Confrontés à des indices dérangeants, nous sommes contraints de revisiter l'histoire de nos origines. Et, ce faisant, il nous faut aussi repenser ce que peut être une société.
Homo sapiens, notre espèce, existe depuis environ 300 000 ans – à quelques millénaires près. Pendant presque tout ce temps (y compris pendant le tumulte des glaciations), nous avons été des chasseurs-cueilleurs. Alors pourquoi abandonner un mode de vie qui 72 a si bien fonctionné pendant si longtemps ? C'est la question fondatrice, à la racine de la civilisation humaine. “Aucune raison évidente ne permet d'expliquer pourquoi les gens ont commencé à vivre dans des villages et à domestiquer [les végétaux et les animaux]”, constate Laura Dietrich, de l'Institut autrichien d'archéologie de Vienne. “C'est une des plus formidables ruptures dans l'histoire de l'humanité.”
Quoi qu'il en soit, même le fait de débattre de ce sujet peut se révéler difficile. Les penseurs occidentaux ont par tradition considéré la société moderne industrialisée comme étant intrinsèquement supérieure à celle des chasseurs-cueilleurs, ce qui déformait leur jugement. “Nous ne pouvons pas partir du principe que c'est toujours une bonne chose, ni même que c'est toujours une mauvaise chose”, déclare Daniel Hoyer, directeur de projet chez Seshat Global History Databank, qui transforme l'énorme volume d'informations sur les sociétés humaines du passé en une forme adaptée à la recherche sur ces questions.
De plus, une grande partie de la terminologie liée à cette transition s'accompagne d'affirmations déplaisantes sur la race, le genre et l'empire. Le mot “civilisation”, en particulier, comporte des sous-entendus évidents, surtout quand on l'oppose à “barbares”, “sauvages” et “primitifs”.
En dépit de ces difficultés, les anthropologues avaient reconstitué une histoire permettant d'expliquer ce bouleversement gigantesque dans notre évolution. La logique voulait que des gens qui se trouvaient dans des régions particulièrement fertiles se soient essayés à l'agriculture parce que ça semblait être une bonne idée – et qu'ils se soient ensuite aperçus qu'il était impossible de revenir en arrière. En produisant davantage de nourriture, ils ont déclenché une croissance démographique, ce qui les a obligés à trouver toujours plus de vivres. Les individus qui étaient en mesure de le faire ont contrôlé la livraison de céréales et sont devenus les premiers dirigeants et empereurs de ce qui avait été jusque-là des sociétés égalitaires. Pour rester aux commandes, ils ont créé ou maîtrisé tout ce qui fait un État, comme l'écriture, les lois et les armées.
Considérée sous cet angle, la civilisation a des avantages et des inconvénients. Elle apporte des bénéfices, tels que la littérature, la médecine et le rock, mais elle a aussi un coût, comme les inégalités, la fiscalité et des pandémies meurtrières qui nous sont transmises par le bétail. Comme le docteur Faust, nos ancêtres ont conclu un pacte avec le diable. L'histoire de la civilisation est une tragicomédie auréolée d'un peu de la puissance d'un grand mythe.
Or de plus en plus d'indices montrent que ce ne serait là que de la fiction.
Le premier problème, c'est que cette version donne une fausse image des sociétés de chasseurs-cueilleurs, qui étaient en fait beaucoup plus variables et complexes qu'on ne le pensait. Une erreur qu'incarne idéalement le site de Göbekli Tepe, juché au sommet d'une colline dans le sud de la Turquie. À partir du milieu des années 1990, des fouilles sur place ont mis au jour des enclos circulaires, chacun contenant des piliers de pierre en forme de T de plusieurs mètres de haut, certains ornés d'animaux gravés ou d'autres symboles. Des bâtiments rectangulaires encadraient ces enclos.
Tout cela n'aurait rien de surprenant si Göbekli Tepe ne datait pas d'il y a 11 500 à 10 000 ans – soit avant l'origine de l'agriculture. “Ici, il n'y a pas de végétaux ou d'animaux domestiqués”, précise Laura Dietrich. C'est donc la preuve que les chasseurs-cueilleurs créaient parfois une architecture monumentale, ce que l'on pensait autrefois indissociable des sociétés agricoles.
Nous n'avons aucun moyen de savoir pourquoi Göbekli Tepe a été construit. Ce n'était apparemment pas un espace de vie : on n'y trouve aucune source d'eau ni de trace de foyers permanents. Par conséquent, peu de gens devaient y résider en permanence, poursuit Laura Dietrich. Toutefois, les piliers de pierre, ou mégalithes, sont trop grands pour avoir été transportés par de petits groupes. “Les principales preuves dont on dispose sur la construction semblent indiquer que des groupes venant d'autres régions se sont réunis ici pour faire quelque chose, avec une idée commune”, ajoute-t-elle.
Une idée commune qui était peut-être religieuse, ou un rituel plus flou. L'imagerie a été interprétée comme masculine : certains des animaux gravés ont des pénis, alors que l'on n'a identifié aucune représentation féminine. Quelques crânes humains ont été retrouvés, mais il est difficile d'établir si ce sont ceux d'hommes ou de femmes. Il y a aussi des creusets de pierre qui servaient à moudre des céréales sauvages pour en faire de la bouillie et d'énormes quantités de bière. Certains avancent que le site accueillait des groupes d'hommes qui se livraient à des rites d'initiation.
“Les archéologues ne savaient pas que quelque chose comme Göbekli Tepe pouvait exister”, assure Laura Dietrich. Malgré tout, depuis sa découverte, des mégalithes remontant à la même époque ont été trouvés sur des sites voisins comme Karahan Tepe, ainsi que d'autres types de monuments laissés par des chasseurs-cueilleurs, comme les immenses tertres de Poverty Point, en Louisiane [aux États-Unis]. Ce sont des exemples frappants de la capacité des chasseurs-cueilleurs à agir d'une façon étonnamment complexe. Il y en a d'autres.
Ces dernières années, les études menées sur des groupes de chasseurs-cueilleurs modernes ont aussi bouleversé la vision que l'on avait de leurs structures sociales. “En règle générale, les gens imaginent que les chasseurs-cueilleurs vivaient en petits groupes nomades assez égalitaires et coopératifs, commente Adrian Jäggi, de l'université de Zurich, en Suisse. Mais en réalité on trouve de nombreux exemples de ce que certains définissent comme des 'chasseurs-cueilleurs complexes'. Ces gens pouvaient être plutôt sédentaires et dotés d'un haut niveau de stratification politique. Il pouvait y avoir une classe dirigeante héréditaire, par exemple, où la position de chef était héritée. Ils connaissaient l'esclavage et la guerre.”
Si bien des questions restent sans réponse, une chose est claire : la version traditionnelle de l'histoire, à savoir que les sociétés complexes sont apparues avec le développement de l'agriculture, ne tient pas debout. Du moins, pas tout le temps. Les chasseurs-cueilleurs étaient capables de former de grands groupes, d'accomplir des rituels et de construire des monuments sophistiqués. L'agriculture n'a pas été une condition préalable.
Pourquoi les gens se sont-ils mis à l'agriculture, pour commencer ? Cette interrogation est elle aussi une source de confusion importante. Il peut être utile d'imaginer à quoi ressemblaient les premières fermes, suggère Amy Bogaard, de l'université d'Oxford. Oubliez les grandes exploitations industrielles d'aujourd'hui, là, nous sommes plus proches du jardinage. “Il faut penser à une échelle spatiale radicalement différente, mais aussi envisager une concentration plus intense des moyens, et l'amélioration potentielle des conditions d'exploitation susceptible de survenir sur une échelle aussi petite.” Et il faut se souvenir que les premiers agriculteurs n'étaient pas que cela : “La cueillette, la chasse, la pêche, la capture d'oiseaux, tout cela continuait en même temps.”
La raison évidente qui aurait pu pousser les gens à se lancer dans l'agriculture pourrait être la nécessité de produire plus de nourriture, ou du moins de s'assurer une source de nourriture plus prévisible. Pourtant, on dispose de peu de preuves en ce sens. En fait, certains ont même proposé le contraire.
Jared Diamond, de l'université de Californie à Los Angeles (Ucla), est célèbre pour avoir décrit l'agriculture comme la “pire erreur de l'histoire de l'espèce humaine”, citant en guise de preuve le fait que les agriculteurs étaient plus petits que les chasseurs-cueilleurs, qu'ils souffraient plus souvent de malnutrition et de maladies et qu'ils vivaient moins longtemps. Mais ce sont des généralisations de cas particuliers. Les indices dont on dispose aujourd'hui nous incitent à prendre en considération ce qui se passait au niveau régional.
Intéressons-nous au cas de Çatalhöyük, en Turquie, où vivait un groupe d'agriculteurs dans un village densément peuplé d'il y a 5 000 à 7 100 ans. “C'est un peu la base de données idéale, une expérience qui a duré mille cinq cents ans et qui a plutôt réussi, souligne Amy Bogaard. Il y a des hauts et des bas démographiques, mais la communauté s'est dotée d'un système de culture diversifié, elle exploitait cinq ou six céréales différentes, un nombre comparable de légumineuses et elle pratiquait abondamment la collecte de nourriture.”
En comparaison, l'agriculture en Grande-Bretagne a connu des débuts difficiles. Le temps que les populations locales l'adoptent, beaucoup de cultures principales avaient été abandonnées, ce qui ne laissait que quelques types de céréales. Ce qui a entraîné un cycle instable de prospérité et d'effondrements, qui ont vu les populations croître pendant quelques siècles, puis diminuer et se disperser quand les récoltes étaient mauvaises. “Ce n'est tout simplement pas assez diversifié, insiste Amy Bogaard. Il n'y a pas une variété suffisante d'espèces pour pouvoir rebondir entre ces pics et ces déclins inévitables.”
Ces expériences agricoles radicalement différentes expliquent peut-être pourquoi des bases de données plus étendues n'indiquent pas une baisse générale de la taille chez l'homme. Une étude publiée cette année par Jay Stock et ses collègues de la Western University de l'Ontario, au Canada, compile les informations prélevées sur 3 507 squelettes en Europe, en Asie et en Afrique du Nord, d'il y a 34 300 ans à nos jours. La taille moyenne a diminué dès le début, longtemps avant l'avènement de l'agriculture, jusqu'à il y a environ 6 000 ans, quand elle a recommencé à augmenter – peut-être à la suite du développement de l'élevage laitier.
On ne peut certes pas affirmer que l'agriculture a été synonyme de gains nutritionnels. Mais elle n'a pas non plus l'air d'avoir été un piège. “On trouve un certain nombre d'exemples de groupes qui ont adopté puis abandonné l'agriculture”, déclare David Wengrow, de l'University College de Londres. Entre autres dans le sud-ouest de l'Amérique du Nord, où, avant l'arrivée des Européens, des peuples avaient vécu en cultivant le maïs et les haricots au lieu de pratiquer la cueillette. “Parfois, ça a eu lieu même pendant la préhistoire, ajoute-t-il. Stonehenge et d'autres monuments néolithiques des îles Britanniques ont été érigés par des populations qui avaient adopté les cultures céréalières venues d'Europe continentale, puis ont recommencé à cueillir des noisettes comme source principale d'alimentation végétale.”
Peut-être le développement de l'agriculture a-t-il eu des raisons sociopolitiques. Certaines sources suggèrent qu'il a fallu qu'existe la notion de propriété privée. L'agriculture peut aussi avoir eu des explications culturelles. “Les gens veulent rester à un endroit donné, dit Bogaard. Ils sont attachés à cette partie du paysage, et ils font ce qu'il faut pour que cela devienne possible sur le plan écologique.” Des activités comme les inhumations, qui permettent aux gens de rester près de leurs parents défunts, en sont une preuve.
Une énigme n'en subsiste pas moins. Pourquoi les populations dans des endroits aussi différents que la Mésopotamie, le nord de la Chine et l'Amérique du Sud se sont-elles toutes orientées vers l'agriculture en l'espace de quelques millénaires ?
La réponse réside peut-être dans le changement climatique. Dans la période qui s'étend jusqu'à il y a 10 000 ans (le Pléistocène), les températures ont considérablement varié au fil des décennies et des siècles. “Un mode de vie nomade à base de chasse et de cueillette est la meilleure façon de vivre quand les conditions sont si imprévisibles”, assure Adrian Jäggi. Depuis, durant notre époque (l'Holocène), le climat, plus prévisible, a permis à l'agriculture de prospérer. Néanmoins, l'être humain ne s'est pas mis à cultiver et à bâtir des sociétés complexes uniquement durant l'Holocène. Au contraire, “ça a toujours existé”, affirme Daniel Hoyer. Simplement, les humains n'ont pas pu adopter une vie agricole sédentaire de manière permanente tant que le climat est resté instable.
En résumé, nous savons désormais que les sociétés de chasseurs-cueilleurs étaient beaucoup plus diverses qu'on ne le pensait, certaines organisées en fonction d'une hiérarchie et construisant des monuments. Nous savons aussi que l'agriculture n'a pas été un piège ; on ne peut pas affirmer non plus qu'elle a été tout à fait bénéfique ou totalement mauvaise : tout dépend de là où elle a été pratiquée, et comment. Il va maintenant nous falloir expliquer pourquoi certaines sociétés sont devenues incroyablement plus complexes : pourquoi elles se sont stratifiées socialement, avec des dirigeants puissants et l'invention rapide de l'écriture, de l'argent et de nouvelles technologies.
Il est ardu de démêler les différentes façons dont les sociétés ont changé et de distinguer les causes des effets. Le projet Seshat, du nom de la déesse égyptienne de l'Écriture et de la Connaissance, est parmi les plus ambitieux dans ce domaine. “Nous avons compilé une gigantesque base de données sur le passé”, annonce Daniel Hoyer. Cette base de données décrit des changements dans les sociétés à des intervalles de cent ans, à l'aide d'une gamme de variables afin d'évaluer la complexité. Lancé en 2011, Seshat a commencé à fournir quelques conclusions stupéfiantes.
La première étude d'envergure, publiée en 2017, se demandait si les sociétés avaient tendance à se développer de façon similaire ou si chacune suivait son chemin particulier. L'équipe de Seshat a étudié 414 sociétés sur les 10 000 dernières années. Pour chacune, elle disposait de données sur 51 variables, allant de l'échelle spatiale et de la densité de population aux niveaux de hiérarchie administrative, à l'utilisation de l'écriture et la construction de systèmes publics qui profitent à tous, comme des réseaux d'irrigation. Il en est ressorti que le processus de complexification est semblable dans tous les cas. “Elles acquièrent ces caractéristiques d'un seul coup, et cela vaut pour toutes les cultures au fil du temps”, souligne Daniel Hoyer.
Cinq ans plus tard, les chercheurs de Seshat ont voulu découvrir ce qui déclenchait ce changement de société. Ils ont établi une liste de 17 possibilités, telles que l'agriculture, l'échelle géographique et la hiérarchie sociale, et ont analysé les données en calculant que, si un facteur était le déclencheur, il devrait logiquement précéder les autres. Leur étude laisse entrevoir que l'agriculture a effectivement joué un rôle, mais que le facteur le plus important, c'est la guerre.
“C'est l'intensité de la technologie militaire, la menace des autres sociétés, leur puissance, leur capacité à vous éradiquer”, décrit Daniel Hoyer. L'apparition d'armes en fer et de la cavalerie, au cours du premier millénaire avant notre ère, a été particulièrement cruciale. “Il y a eu cette pression sélective très forte en faveur de leur adoption, sous peine d'être écrasé par quelqu'un qui en aurait déjà disposé.”
Timothy Kohler, de l'université de l'État de Washington, doute toutefois que la guerre soit le moteur premier du processus de transformation. En 2020, ses collègues et lui ont analysé par eux-mêmes les données de Seshat. Ils se sont aperçus que les sociétés croissaient en termes d'échelle démographique et géographique, mais seulement jusqu'à ce qu'elles atteignent un seuil. La progression initiale se produisait souvent par l'annexion par la force d'entités voisines. Cependant, pour dépasser ce seuil, une société devait développer des systèmes de “traitement de l'information” comme l'écriture. “Le conflit est important, parce qu'il augmente l'échelle”, estime Timothy Kohler, mais tout ne se limite pas à la guerre.
Un autre résultat essentiel de l'équipe de Seshat a suscité une controverse encore plus marquée. À la lueur de travaux précédents, il était envisagé que les convictions religieuses puissent servir de ciment à une société et que le concept de “dieux moralisateurs”, qui s'intéressent de près au bien et au mal, soit un élément capital de la formation de grands États. Mais, en 2019, l'équipe de Seshat a conclu que la foi en des divinités moralisatrices n'était apparue que lorsque les sociétés étaient déjà de grande taille et ne pouvait donc pas avoir servi de moteur.
En réaction, un article a mis cette hypothèse en doute. “Il manquait beaucoup de valeurs dans leur série de données”, et chacune avait été codée comme une preuve de l'absence de dieux moralisateurs, dénonce Rachel Spicer, de la London School of Economics. Seshat a retiré son article par la suite. L'équipe a cependant refait ses analyses et publié les mêmes conclusions.
Pour certains chercheurs, cet épisode est symptomatique d'un problème de fond chez Seshat, dont le codage des données serait grevé par de nombreux préjugés. Aux yeux de David Wengrow, de l'University College, c'est un défaut impardonnable. Par exemple, il estime que les conclusions sur la guerre sont avant tout le produit de cette méthode. “Si vous commencez, comme le fait cette étude de Seshat, par définir la complexité en termes de technologies de la violence, de contrôle et d'extraction, alors, logiquement, vous allez en conclure que ces technologies sont les moteurs de la complexité.”
Tout ce que cela prouve sans l'ombre d'un doute, c'est qu'il est difficile de comprendre l'apparition de la civilisation. Là où, autrefois, nous avions recours à un récit de causes et d'effets qui expliquait tout, ces dernières années les archéologues et les anthropologues se sont détournés de cette approche. “Nous ne croyons pas que les sociétés évoluent toujours de façon aussi linéaire, où l'on passe des chasseurs-cueilleurs à des sociétés finalement complexes en franchissant quelques étapes en cours de route”, commente Stefani Crabtree, de l'université de l'État de l'Utah.
Ce qui est devenu une évidence au fur et à mesure que l'on a puisé dans davantage de données. “Beaucoup de ce que l'on savait sur la préhistoire du monde venait du Proche-Orient et d'Europe”, reconnaît Jennifer Kahn, du College of William & Mary, en Virginie. “Maintenant, nous avons beaucoup plus de données archéologiques sur ce qui se passe dans d'autres régions du monde, et nous sommes témoins d'une beaucoup plus grande variabilité.” Comme dans le cas des sociétés polynésiennes de l'archipel de la Société, dans le Pacifique, sur lesquelles elle a travaillé pendant des années. Vers 1650 est apparu un culte religieux qui limitait la capacité à faire la guerre à une poignée de chefs, qui ont alors englobé des potentats plus petits dans leurs domaines. Autrement dit : si la guerre a joué un rôle dans la naissance de systèmes complexes, la religion aussi a eu son importance.
Le message qu'il faut retenir est très éloigné de la vision que nous avions autrefois de la civilisation. “Il n'y a pas une seule recette qui décrit comment les sociétés deviennent plus complexes”, lance Jennifer Kahn. Ou, en d'autres termes, le scénario est plus riche et plus ingénieux que ce que l'on croyait. Le fait d'en comprendre les retournements et le sens caché ne fait pas qu'éclairer d'un jour nouveau notre passé, cela pourrait peut-être aussi nous aider à créer de meilleures sociétés à l'avenir.
Qui plus est, certains, comme David Wengrow, se réjouissent de la diversité exubérante et créative des formes que peuvent prendre les sociétés. En fait, il va même plus loin, en nous invitant à repenser le sens même de la complexité sociale. “Nous pourrions choisir de définir la complexité plutôt en termes de systèmes de parenté, de résilience écologique et de créativité artistique, s'enthousiasme-t-il. Et dans ce cas, selon moi, les indigènes de l'île d'Ambrym [au Vanuatu] pourraient arriver en tête de liste, tandis que les sociétés européennes seraient beaucoup plus bas dans le classement.”
📺 Bienvenu.e au 42ème épisode du Circular Metabolism Podcast : Boucler les flux d'azote et de phosphore en ville ? avec Dr. Fabien Esculier 📺.
🥕🚽 Dans cet épisode nous allons parler d’une thématique qui passe sous la majorité des radars mais qui relie des enjeux fondamentaux des villes l’alimentation d’un côté et l’assainissement des eaux de l’autre. Vous allez voir qu’aujourd’hui nous faisons du grand n’importe quoi au niveau des flux d’azote et de phosphore alors même que nous avons dépasser les limites planétaires qui permettent un futur sûr pour le futur de l’humanité. Si vous ne connaissez aux flux d’azote et de phosphore et pourquoi ceci sont fondamentaux pour les villes, ne vous inquiétez pas on a un invité qui arrive à vulgariser ces thématiques en seulement quelques minutes.
🎓 Aujourd’hui, mon invité est Fabien Esculier, chercheur au Laboratoire Eau, Environnement et Systèmes Urbains (Leesu), une équipe de recherche commune à l’École des Ponts ParisTech et à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC). Il est Ingénieur des Ponts, des Eaux et des Forêts et a défendu sa thèse de doctorat en 2017 intitulée « Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques ». Depuis 2015, il est le coordinateur du projet OCAPI ou Optimisation des cycles Carbone, Azote et Phosphore en ville.
♻️ Dans cet épisode, nous parlons des trajectoires socio-écologiques des villes et comment le bouclage des flux d'azote et de phosphore peut devenir une réalité avec des pratiques simple voire ancestrales.
Vu dans la conférence:
Uniterre sonne l’alarme : pour garantir notre alimentation à long terme, il est urgent de favoriser l’accès à la terre. Or – tandis que les rangs des écoles d’agriculture se remplissent – les jeunes, les femmes, les néo-paysan·nes et en particulier les collectifs qui rêvent de faire de l’agriculture leur activité principale se heurtent à des obstacles juridiques et systémiques souvent infranchissables. Notre nouvelle publication marque le momentum politique.
Communiqué de presse, Lausanne, le 9 février
Plus de 120 personnes se sont pressées vendredi 3 février à l’Espace Dickens, à Lausanne, pour le vernissage de « La terre à celleux qui la cultivent », une brochure de plus de 70 pages consacrée à l’accès collectif à la terre en Suisse. Un succès à la hauteur du travail que la Commission Jeunes d’Uniterre consacre depuis plusieurs années à ce sujet. Et à la hauteur des attentes et des besoins de toute une frange de la population paysanne, rurale ou néo-rurale, composée de jeunes familles, d’agriculteur·rices fraîchement diplomé·es ou de collectifs, qui cherchent à s’installer et se heurtent à l’absurdité du système.
Les obstacles auxquels ils font face sont innombrables : Des normes et calculs UMOS qui empêchent de valoriser des produits à haute valeur écologique et sociale, un droit foncier rural ancré dans une tradition conservatrice et patriarcale de la propriété privée, des coûts d’installation rédhibitoires quand on est pas « fils de », des prix de vente qui ne couvrent pas les coûts de production, le méprisant « vous faites de l’agriculture de loisir » craché par certains services, l‘impossibilité du morcellement qui pourrait faire émerger de petites fermes, les lourdes et coûteuses exigences qui se dressent à chaque fois qu’il s’agit de recouvrer un minimum d’autonomie boulangère, énergétique ou fromagère, même à une échelle microscopique…
Au fil de la soirée, et de la brochure, des collectifs de tout le pays ont témoigné de ces bâtons mis dans leurs roues bien lancées. Ce sont pourtant elles et eux qui nous nourriront demain, pour autant que l’on sorte un jour de l’impasse écologique et sociale de l’agro-industrie. Du moins nous l’espérons. Les cinq chapitres de la brochure – constituer un collectif, accéder à la terre, financer son projet, distribuer sa production et fonctionner au quotidien – tâchent d’apporter des éléments de réponse pour réussir à produire dans un système opaque. Un système à cause duquel, chaque jour, entre deux et trois fermes mettent à jamais la clé sous le paillasson, dans un silence politique fracassant.
Heureusement, comme a conclu un membre d’une ferme d’une douzaine de personnes qui ont l’audace d’essayer de cultiver « sans pesticides et sans patron » : avec assez d’ingéniosité, de malentendus et d’auto-exploitation, certains collectifs arrivent tant bien que mal à faire tourner leurs projets. Au prix d’une grande précarité et d’une absence de filets, comme de reconnaissance, qui finissent hélas aussi par en pousser de nombreux à jeter l’éponge.
« La terre à celleux qui la cultivent » se veut à la fois un hommage à cette débrouille, une boite à outils alternative en construction et un manifeste pour une agriculture véritablement durable, résiliente et souhaitable.
Accès à la terre, Communiqué de presse, Jeunes
Top 10 Ukraine’s Largest Agricultural Landholders 2018
28 May 2018 - Top 10 Ukrainian agroholdings altogether operate about 2.856 Mio ha of land and employ over 100 thousand people. Their total revenue exceeds $ 4.2 billion. We provide more information about these companies based on the data of latifundist.com, bloomberg.com, landlord.ua as well as the companies’ corporate reports.
№ Name Ultimate beneficial owner Registered office Land area, thousand ha Revenue in FY 2017, $ million Net profit (loss) in FY 2017, $ million Number of employees
1 Kernel Andriy Verevskyi Luxembourg City (Luxembourg) 570,500 2,169.000 176.000 16.103
Main activity: production and export of sunflower oil, production and export of grain
2 UkrLandFarming Oleg Bakhmatyuk Nicosia (Cyprus) 570,000 658.000 100.020 (FY 2016) 22.007
Main activity: crops and seeds production, dairy farming, egg production and processing, sugar production, livestock farming, storage services, and beef and leather production
3 Agroprosperis (New Century Holding) George Rohr, Maurice Tabasinik New York (NY, USA) 430,000 411.000 127.000 7.000
Main activity: production and export of cereals (wheat, corn) and oilseeds (sunflower, rape, soybean)
4 MHP (Myronivsky Hliboprodukt) Yuriy Kosiuk Nicosia (Cyprus) 370,000 1,287.800 202.900 40.000
Main activity: production and processing of poultry meat, grain and fodder production, as well as biogas production
5 Astarta Viktor Ivanchyk Amsterdam (Netherlands) 250,000 537.397 72.589 13.000
Main activity: production of sugar and related products, cereals and oilseeds, milk and meat, as well as biogas
6 Mriya Ivan Guta, Klaudia Guta Nicosia (Cyprus) 165,000 67.888 (FY 2016) -252.509 (FY 2016) 2.000
Main activity: production of wheat, rapeseed, corn, sugar beets, potatoes, buckwheat, barley, peas and soy, offers storage, processing, and seed treatment services
7 IMC Alexander Petrov Luxembourg City (Luxembourg) 137,000 126.761 17.790 2.412
Main activity: crop production (maize, wheat, sunflower, soy, potatoes), dairy cattle breeding, crop storage and processing
8 Agroton Iurii Zhuravlov Nicosia (Cyprus) 122,000 51.785 8.322 2.021
Main activity: cultivation, processing, storage and sale of sunflower and wheat, as well as livestock and food production
9 Ukrprominvest-Agro Petro Poroshenko Kyiv (Ukraine) 122,000 185.300 (FY 2015) not reported 4.600
Main activity: crop production (sugar beet, wheat, soybean, corn, sunflower), as well as livestock and flour production
10 AgroGeneration Charles Beigbeder Paris (France) 120,000 54.195 13.177 1.487
Main activity: crop production (winter wheat, rapeseed, brewing barley, corn, soybean, sunflower, peas)
Friday, August 6, 2021
By: Ben Reicher and Frederic Mousseau
Bien que l'Ukraine possède de vastes étendues de terres agricoles parmi les plus fertiles du monde, la richesse de son secteur agricole est longtemps restée largement hors de portée des agriculteurs du pays. Dans le pays connu comme le "grenier de l'Europe", l'agriculture a été dominée par des oligarques et des sociétés multinationales depuis la privatisation des terres publiques qui a suivi l'effondrement de l'Union soviétique en 1991. Au cours des trente dernières années, aucun gouvernement n'a été en mesure de remettre en cause de manière significative ce statu quo.
Cela va-t-il changer, maintenant qu'une loi controversée visant à créer un marché foncier est entrée en vigueur le 1er juillet 2021 ?
"...de nombreux Ukrainiens pensent que l'agriculture en Ukraine ne fera que devenir plus corrompue et contrôlée par des intérêts puissants à la suite de la nouvelle loi de réforme foncière."
Alors que les partisans affirment(lien est externe) qu'un marché foncier est nécessaire pour attirer les investissements étrangers dont l'agriculture ukrainienne a besoin pour atteindre son plein potentiel économique, de nombreux(lien est externe) Ukrainiens(lien est externe) pensent(lien est externe) que l'agriculture en Ukraine ne fera que devenir plus corrompue et contrôlée par de puissants intérêts à la suite de la nouvelle loi sur la réforme foncière(lien est externe).
La loi, "Sur les amendements à certaines lois de l'Ukraine sur les conditions de transfert des terres agricoles" (loi 552-IX), est un élément crucial du programme de libéralisation défendu par le président Volodymyr Zelensky et les institutions internationales occidentales qui soutiennent son gouvernement. Elle a été adoptée par la Verkhovna Rada, l'assemblée législative unicamérale de l'Ukraine, en mars 2020, comme condition pour que le gouvernement, en difficulté financière, puisse recevoir un prêt de 5 milliards de dollars US du Fonds monétaire international (FMI).
L'histoire troublée de la propriété foncière en Ukraine
Lorsque l'Ukraine faisait partie de l'Union soviétique, toutes les terres étaient la propriété de l'État, les agriculteurs travaillant dans des fermes d'État et collectives. Dans les années 1990, guidé et soutenu par le FMI et d'autres institutions internationales, le gouvernement a privatisé (lien externe) une grande partie des terres agricoles de l'Ukraine et a distribué des certificats que les travailleurs individuels pouvaient utiliser pour obtenir la propriété d'une parcelle de terre distincte. Cependant, dans un contexte d'effondrement économique national, beaucoup ont revendu leurs certificats, amorçant un processus qui a abouti à la concentration croissante des terres entre les mains d'une nouvelle classe oligarchique.
"...la base de données Land Matrix répertorie des transactions foncières à grande échelle totalisant 3,4 millions d'hectares par des sociétés ukrainiennes et étrangères ; d'autres estimations chiffrent à plus de six millions d'hectares la superficie des terres louées par les plus grandes sociétés opérant en Ukraine."
Afin d'arrêter ce processus, le gouvernement a institué(link is external) un moratoire en 2001, qui a mis un terme à toute nouvelle privatisation de terres publiques et empêché presque tous les transferts de terres privées, à quelques exceptions près, comme les héritages. Bien que le moratoire ait été censé être temporaire, il a été prolongé à plusieurs reprises en raison de l'incapacité de la Verkhovna Rada et de plusieurs administrations présidentielles à adopter et à mettre en œuvre des réformes juridiques qui auraient permis la création d'un système foncier plus équitable.
41 millions d'hectares, soit environ 96 % (lien externe) des terres agricoles ukrainiennes, étaient soumis au moratoire. Environ 68 % (lien externe), soit 28 millions d'hectares, de ces terres sont des propriétés privées (bien que toutes ne soient pas délimitées en parcelles spécifiques), avec environ sept millions (lien externe) de petits propriétaires fonciers dans le pays.
Bien que le moratoire ait empêché tout nouvel achat de terres, les terres agricoles pouvaient toujours être louées (lien externe), et de nombreux petits propriétaires ont loué leurs terres à des sociétés nationales et étrangères. L'État a également mis aux enchères (lien externe) des baux pour de grandes quantités de terres qu'il possède. Le gouvernement du président Zelensky a affirmé (lien externe) qu'au moins cinq millions des plus de dix millions d'hectares de terres appartenant à l'État ont été illégalement privatisés sous les administrations précédentes.
Bien qu'il soit difficile de trouver des données fiables sur les personnes qui louent les terres agricoles ukrainiennes (de nombreux baux ne sont pas enregistrés), la base de données Land Matrix répertorie des transactions foncières à grande échelle totalisant 3,4 millions d'hectares par des sociétés ukrainiennes et étrangères ; d'autres estimations (lien externe) évaluent à plus de six millions d'hectares la superficie des terres louées par les plus grandes sociétés opérant en Ukraine. Le plus grand détenteur de terres agricoles (lien externe) est Kernel, détenu par un citoyen ukrainien mais enregistré au Luxembourg, avec environ 570 500 hectares, suivi par UkrLandFarming (570 000 hectares), la société de capital-investissement américaine NCH Capital (430 000 hectares), MHP (370 000 hectares) et Astarta (250 000 hectares). Parmi les autres acteurs importants, citons le conglomérat saoudien Continental Farmers Group(lien externe) avec 195 000 hectares (l'actionnaire majoritaire(lien externe) est la Saudi Agricultural and Livestock Investment Company, détenue par le fonds souverain d'Arabie saoudite), et la société agricole française AgroGeneration(lien externe) avec 120 000 hectares.
Ouverture du marché foncier
La loi 552-IX(link is external) a mis fin au moratoire et a permis aux particuliers d'acheter jusqu'à 100 hectares de terres à partir du 1er juillet 2021. Les personnes physiques et morales (c'est-à-dire les entreprises) pourront acheter jusqu'à 10 000 hectares à partir du 1er janvier 2024. Les banques pourront saisir des terres en cas de non-paiement d'un prêt, mais devront les vendre aux enchères pour une utilisation agricole dans un délai de deux ans. Les personnes ou entités qui louent actuellement un terrain sont censées bénéficier d'une priorité ("droits de préemption") lorsque le terrain est à acheter. L'interdiction de longue date faite aux particuliers et aux entreprises étrangers d'acheter des terres en Ukraine sera maintenue, bien qu'ils conservent la possibilité de les louer.
"La Banque mondiale... s'attend à ce que la loi sur la réforme foncière pousse les petits exploitants les plus pauvres à quitter l'agriculture et favorise la croissance des grandes propriétés foncières."
Le gouvernement et les institutions internationales ont promu(lien est externe) la réforme foncière(lien est externe) comme un moyen de "débloquer" tout le potentiel des terres agricoles ukrainiennes en rendant le secteur agricole plus attractif pour les investisseurs internationaux. Pour Arup Banerji(lien est externe), directeur de la Banque mondiale pour l'Europe de l'Est, la réforme(lien est externe) "permettra à l'Ukraine de capitaliser sur son potentiel économique et d'améliorer la vie des Ukrainiens." Mais cette rhétorique se heurte à une large opposition de la population ukrainienne, avec plus de 64%(lien est externe) de la population opposée à la création d'un marché foncier, selon un sondage d'avril 2021.
La méfiance des Ukrainiens n'est pas sans fondement. L'argument clé avancé par les promoteurs de la réforme foncière a été l'effet attendu sur la croissance économique. Selon la Société financière internationale(link is external) (SFI), la branche de la Banque mondiale dédiée au secteur privé, la levée du moratoire sur les ventes de terres ajouterait environ 1 à 2 % au taux de croissance annuel du PIB de l'Ukraine pendant cinq ans. Toutefois, cette augmentation devrait principalement provenir "de la sortie des producteurs à faible valeur ajoutée et de l'expansion des producteurs à plus forte valeur ajoutée, à mesure que le prix des terres augmente." La Banque mondiale s'attend donc explicitement à ce que la loi sur la réforme foncière pousse les petits exploitants les plus pauvres à quitter l'agriculture et favorise la croissance des grandes propriétés foncières.
La loi sur la réforme agraire compromet l'accès des agriculteurs à la terre
De nombreux petits agriculteurs ne seront pas en mesure d'acheter beaucoup de terres avant 2024, car(link is external) les terres sont vendues à des prix élevés, et de nombreux petits agriculteurs ont déjà(link is external) des difficultés financières et sont endettés. Alors que les agriculteurs pourraient espérer bénéficier des droits de préemption que la nouvelle loi accorde aux preneurs actuels, cette clause peut en fait favoriser la consolidation de la propriété foncière, puisque de nombreux preneurs sont de grandes entreprises agroalimentaires. Même lorsque les preneurs à bail sont des agriculteurs de petite ou moyenne taille, la loi leur permet de transférer leurs droits de préemption à d'autres parties - recréant essentiellement(link is external) la dynamique des années 1990 où les propriétaires fonciers revendaient les certificats distribués lors de la vague initiale de privatisation à une clique naissante d'oligarques, qui ont ainsi acquis le contrôle de grandes quantités de terres.
"Pour de nombreux citoyens, la préoccupation la plus sérieuse concernant cette loi est la possibilité pour des intérêts étrangers d'acquérir illégalement la propriété de terres"
En outre, selon(lien est externe) le Réseau ukrainien de développement rural(lien est externe), une organisation de la société civile et du monde universitaire basée à Kiev, "la plupart des terres agricoles privées resteront sous contrat de location avec de grandes exploitations commerciales dans les années à venir", de sorte que les terres pourraient même ne pas être disponibles à l'achat pour les agriculteurs individuels avant 2024, lorsqu'ils commenceront à faire face à la concurrence des grandes entreprises qui seront toujours en mesure de surenchérir.
La crainte est largement répandue qu'en raison de la corruption rampante (lien externe) et de la faiblesse de l'État de droit (lien externe) en Ukraine, les petits agriculteurs aient peu de moyens de faire valoir leurs droits face à la concurrence croissante de l'agrobusiness. Pour de nombreux citoyens, la préoccupation la plus sérieuse concernant cette loi est la possibilité(link is external) pour des intérêts étrangers de devenir illégalement propriétaires de terres, par exemple en détenant de manière opaque une société ukrainienne, en exploitant les systèmes judiciaires et réglementaires impuissants du pays. Certaines des plus grandes transactions foncières réalisées en Ukraine ces dernières années l'ont été par des sociétés étrangères qui pourraient tenter de contourner la nouvelle loi et d'obtenir le titre de propriété des terrains.
En outre, selon une interprétation juridique(link is external) de la nouvelle loi, l'interdiction faite aux étrangers de posséder des terres ne s'applique pas aux créanciers qui acquièrent des terres par le biais d'une saisie hypothécaire - une banque étrangère pourrait donc, potentiellement, saisir les terres d'un petit agriculteur et les vendre aux enchères, où les grandes entreprises auraient invariablement un avantage.
Soutien à l'agrobusiness, pas aux petits agriculteurs
La Banque mondiale a justifié la création du marché foncier comme le moyen pour les agriculteurs d'accéder au financement. Toutefois, l'institution s'attend à ce que cela se fasse par le biais des agriculteurs qui utilisent leurs terres comme garantie(link is external) pour les prêts bancaires plutôt que par la mise en place de mécanismes financiers et institutionnels qui pourraient financer efficacement les agriculteurs. Le gouvernement ukrainien propose effectivement des prêts et d'autres aides aux petits et moyens agriculteurs, dont certaines avec le soutien financier de la Banque mondiale (notamment(link is external) un prêt de 150 millions de dollars US à une grande banque publique en 2017, à distribuer aux petites et moyennes entreprises). Cependant, selon l'ONG Association agraire ukrainienne, le soutien(link is external) du gouvernement a été très insuffisant. Seul un cinquième environ de l'aide gouvernementale affectée a effectivement été distribué en 2018, pour un montant total de 203 millions de hryvnia, soit environ 7,4 millions de dollars américains.
En revanche, les plus grandes entreprises agroalimentaires ukrainiennes ont chacune reçu beaucoup plus de la part d'institutions de prêt internationales comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque européenne d'investissement (BEI), en plus du soutien régulier(link is external) du gouvernement ukrainien par le biais d'allégements fiscaux et de subventions. Ces dernières années, les bénéficiaires de ces prêts ont été Kernel, MHP et Astarta, qui figurent tous parmi les cinq plus grandes entreprises agroalimentaires (lien externe) d'Ukraine en termes de superficie totale des terres. Par exemple, Kernel a reçu 248 millions de dollars US (lien est externe) en plusieurs prêts de la BERD depuis 2018, MHP a reçu environ 235 millions de dollars US (lien est externe) de la BERD depuis 2010 et environ 100 millions de dollars US (lien est externe) de la BEI en 2014, et Astarta a reçu 95 millions de dollars US (lien est externe) de la BERD depuis 2008 et environ 60 millions de dollars US (lien est externe) de la BEI en 2014. Les institutions financières étrangères comme la BERD et la BEI ne financent pas seulement les agro-industries et les propriétaires fonciers les plus puissants d'Ukraine, mais aussi des entreprises appartenant à certains des individus les plus riches(link is external) du pays - le fondateur de MHP, Yuri Kosyuk, a été classé 11e personne la plus riche d'Ukraine en 2019, tandis que le fondateur de Kernel, Andriy Verevskiy, a été classé 19e.
La réforme foncière en passe d'atteindre les objectifs de ses instigateurs
Trente ans après la désastreuse privatisation des terres qui a eu lieu avec leur soutien dans les années 1990, les institutions financières internationales telles que le FMI et la Banque mondiale ont réussi à lever le moratoire qui avait été établi pour empêcher la prise de contrôle des terres ukrainiennes par une minorité d'intérêts privés.
L'analyse ci-dessus montre clairement qu'imposer la création d'un marché foncier en Ukraine concentrera davantage le contrôle des terres entre les mains des oligarques et des grandes entreprises agroalimentaires, tout en favorisant les intérêts des investisseurs et des banques étrangères. C'est malheureusement la grande majorité des agriculteurs et des citoyens ukrainiens qui devront en payer le prix.
1.The Breath : Avez-vous conscience de l’effondrement des sociétés, de l’effondrement systémique qui approche ? Des problèmes climatiques, financiers qui peuvent arriver ?
Ciptagelar : Oui, nous avons pleinement conscience de l’effondrement des sociétés qui approche. Nous l’avons prévu depuis bien longtemps grâce à nos connaissances astrologiques. Ce qui nous arrive, c’est comme en mathématique, les chiffres vont de 0 à 9, puis arrivé à 9 cela revient à 0, c’est un cycle normal.
Nous ne luttons pas et n’allons pas nous battre contre cet effondrement systémique car nous savons que cette période fait partie du cycle obligatoire de notre époque. Nous l’abordons avec philosophie et nous nous préparons tout simplement à ce qui va venir. Notre combat ne se fait pas contre des institutions mais avec nous mêmes au quotidien. Ce n’est pas nos institutions qui sont le monde, c’est nous.
Mika : Ils abordent donc le global warning avec beaucoup de sagesse et de spiritualité : c’est-à-dire qu’ils ne luttent pas contre, mais ils font tout le nécessaire pour agir avec responsabilité. Cela s’illustre dans la façon dont ils traitent leurs terrains (nous le verrons plus loin), dans la façon dont ils consomment ainsi que dans la plupart de leurs actions quotidiennes. Bien sûr, ils ne sont pas à zéro émission de co2, car comme tout le monde, ils utilisent un peu de plastique et d’autres matériaux. Chacun d’entre eux essaie cependant d’être vraiment co-responsable.
2.The Breath : Avez-vous conscience de votre notoriété ? En tant que peuple responsable et résilient aujourd’hui, avez-vous conscience du rôle éducatif que vous pouvez jouer par rapport à vos connaissances ? Seriez-vous prêts à voyager pour inspirer les autres, enseigner votre mode de vie, en Indonésie, en Asie ou encore ailleurs ?
Ciptagelar : Oui, nous en avons conscience. Vous n’êtes pas les premiers à venir nous voir : un grand nombre de personnes viennent pour apprendre de nous, comment vivre différemment, comment être en relation avec la nature. Certains restent quelques jours d’autre 1 mois, tout comme toi qui veut passer deux mois ici avec nous.
Mika : Lorsque je suis arrivé, Yoyo revenait d’un colloque pour réformer l’éducation en Indonésie. Les efforts consistent à promouvoir des enseignements qui se concentrent plus sur les ressources naturelles que sur l’apprentissage des sinus-cosinus qui ne servent à rien sauf à ceux qui veulent devenir matheux. Par exemple, apprendre à revenir sur les sens du corps, en apprendre plus sur la nature, apprendre à cultiver, observer, contribuer…
Ils ont bien conscience de leur rôle éducatif, qu’ils exercent en Indonésie et en Asie. Ils sont prêts à enseigner et accueillir sans problème toute personne voulant apprendre. Je ne sais pas s’ils seraient prêts à voyager longtemps pour le faire, car étant donné qu’ils nourrissent leur lien avec la nature, ils doivent être sur place et dans leur communauté.
3.The Breath : Comment préservez-vous la nature, l’environnement, l’écosystème, la biodiversité ? En avez-vous conscience ? Comment gardez-vous cette harmonie entre l’homme et la nature ?
Ciptagelar : C’est une question fondamentale car les habitants de Ciptagelar ont une conscience écologique très élevée, vis-à-vis de leur écosystème, de l’importance de la biodiversité, ce qui les motive à préserver l’environnement. Toute notre philosophie est portée sur l’équilibre : le plus et le moins, le jour et la nuit, le yin et le yang, l’homme et la femme, prendre et donner…
Nous nous positionnons uniquement sur ce dont nous avons besoin et ne prenons jamais plus. D’ailleurs, pourquoi vouloir prendre plus que ce dont nous avons besoin ? N’est-ce pas avoir peur de manquer ?
Mika : Toute leur philosophie repose sur cet équilibre ainsi que l’harmonie. Sans oublier que l’usage de tout outillage à moteur pour travailler la terre est interdit, ce qui réduit considérablement le risque de se servir plus que nécessaire.
ciptagelar repartition des terres
4.The Breath : Sachant que vous possédez 5000 hectares, quel est le pourcentage des terres partagées ?
Ciptagelar : Les 5000 hectares sont partagés ainsi :
– 35% de hutan tutupan (la forêt autour pour bien isoler leur site), où il est interdit d’y prendre quoi que ce soit, pas même une feuille, ni un morceau de branche. Nous y laissons vivre la biodiversité.
– 35% de hutan titipan (la forêt que l’on nous a confiée), qui sert de provision pour l’avenir. Nous y plantons du bambou, des arbres. Lorsque nous avons besoin de construire ou de retaper une maison, un pont, nous nous servons du bois à cet endroit. Nous y cueillons aussi des fruits ou récoltons des légumes sauvages. Cependant, nous devons toujours replanter ce que nous avons pris.
– 30% de hutan/lahan garapan (la forêt/les terres à exploiter), c’est là où nous cultivons le riz, les légumes. C’est sur cette partie aussi où nous construisons nos maisons. Jusqu’à aujourd’hui, ces 30% ne sont pas entièrement exploités.
Mika : Nous trouvons au village de Ciptagelar , un partage très intelligent pour préserver la biodiversité ainsi que l’environnement, une communion entre l’homme et la nature. Ils prennent seulement ce dont ils ont besoin et rendent à la nature ce qu’ils lui ont pris. Ils ne la détruisent pas pour le plaisir, ou pour le pouvoir ou l’argent et la nature leur donne des bonnes récoltes, une bonne terre, en guise de remerciement. Dans le futur, ils ne seront donc jamais en manque puisque la nature pourra toujours leur redonner ce qu’ils ont pris. Ils ne vivent donc pas dans la peur du manque, ni dans l’excès ou le gaspillage, et ça, c’est une belle leçon de vie !
5.The Breath : D’après les informations recueillies avant notre visite, nous avons appris que vous cultiviez les terres en vous basant sur la position des étoiles dans le ciel ; en quoi cela consiste ?
Ciptagelar : Pour cultiver la terre, nous nous basons sur la constellation d’Orion. Lorsqu’elle apparaît, nous semons et lorsqu’elle disparaît, nous faisons la récolte.
6.The Breath : Quelle est votre forme d’agriculture ? Que cultivez-vous exactement ? Et à quel rythme ? Vous aidez-vous de machines ou manuellement ? Pour quelles raisons ?
Ciptagelar : Nous utilisons la méthode de nos ancêtres pour cultiver, sans aucun pesticide ni machine. Tout ce qui est en rapport avec la vie comme le riz doit être manipulé sans machine ni véhicule. Il est interdit de transporter nos récoltes jusqu’aux greniers à riz, à moto ni même à vélo. Cela doit se faire à la main d’homme.
Puis du grenier à la maison pour le manger, cela peut se faire en véhicule. La raison à cela, c’est que pour être en harmonie avec la nature, nous devons rester ce que nous sommes, les machines, la technologie c’est très bien, seulement cela va plus vite que les cycles naturels.
Donc si nous utilisons des machines pour planter et récolter, nous demanderons un trop grand rendement à la terre. Essayez de courir sans vous arrêtez 10h par jour, vous allez vite vous essouffler.
Nous ne sommes pas conçus pour courir (sauf exceptionnellement), notre mode de déplacement naturel, c’est la marche.
Mika : Nous avons constaté que les habitants ont une relation très proche avec la nature lorsqu’ils cultivent. Avec le riz, ils entretiennent un rapport presque sensuel, ils lui attribuent vraiment une place prioritaire. Par exemple, avant de planter, il y a des rites d’offrandes. Ils parlent au riz aussi, le caressent, et avant de le couper, ils montrent aussi à la nature avec quel outil ils vont le faire.
Peu importe les tâches ou les actions qu’ils entreprennent, ce peuple met un point d’honneur à préserver l’harmonie. Tout comme le yin et le yang, il y a un équilibre entre l’humain et la nature, mais également entre la femme et l’homme. Cette harmonie permet véritablement de préserver leur environnement mais également leurs valeurs.
luit de ciptagelar
7.The Breath : Nous avons entendu dire que la communauté de Ciptagelar pouvait stocker jusqu’à 3 ans de nourriture. Pour quelles raisons ? Comment parvenez-vous à le faire ?
Ciptagelar : Ce n’est pas trois, mais neuf ans de semence de riz qui est stockée dans les leuits, (greniers à riz.)La tradition veut qu’ils ne soient jamais vides. Nous les remplissons au fur et à mesure des récoltes. Nous nous servons sur les piles du haut lorsque nous en avons besoin. Dans les piles du bas se trouvent des graines de riz anciennes de plus de 100 ans, qui sont encore comestibles. En cas de problème, nous pourrons tenir 9 ans sans produire de riz, en puisant dans cette réserve. Aucune souris, aucun animal ne vient manger dans ces leuits hermétiques.
8.The Breath : Comment vous alimentez-vous en eau ? D’où vient-elle ? Comment la ramenez-vous au village ?
Ciptagelar : L’eau arrive directement des mata air ou sources d’eau, elle est redistribuée dans tout le village à l’aide de tuyaux, sans machine, le long des pentes descendantes. Les 2 distributions sont bien séparées : celle pour se laver et laver les vêtements, ainsi que celle pour cuisiner et boire. Bien que l’eau soit pure, les habitants la font quand même bouillir avant de la consommer. Ils utilisent également l’eau des rivières qui sert en partie à l’électricité, à l’irrigation des rizières et des plantations.
Mika : L’utilisation de l’eau se fait avec un petit seau, pour se doucher ou pour se laver les mains. Il n’y a pas de robinet. L’eau est stockée dans des cuves et utilisée suivant les besoins. Il est à noter que parfois lors de crues , l’eau peut être trouble, mais avec le stockage préalable cela ne leur pose pas de problème. En cas de rupture, ils utilisent des filtres à eau de type Navaza mais tous n’en n’ont pas.
Petit bémol pour l’avoir testée, l’eau de la douche est à la même température que l’eau de la rivière et le seule moment pour prendre une douche sans trop souffrir du froid , c’est entre 11h et 15 h. A plusieurs reprises, ils font chauffer un peu d’eau pour la douche.
- The Breath : Comment vous alimentez-vous en électricité ? Est-ce que tout le monde a droit à l’électricité, est-ce limité par village, la coupez-vous à certaines heures ?
Ciptagelar : Il existe plusieurs villages. Nous sommes ici au village originel, qui s’alimente au micro-hydro avec une turbine. La machine tourne 24h/24h, sans aucune batterie. Au fur et à mesure que la machine tourne, l’électricité nous arrive.
Quand la rivière monte et qu’il y a trop d’eau, nous sommes en baisse d’électricité car la machine ne peut plus gérer, il en est de même quand il n’y a pas assez d’eau.
Une fois, il n’y a pas eu d’électricité pendant trois mois à cause d’un incident technique. Chacun d’entre nous possède des batteries que nous utilisons pour faire face au manque d’électricité.
Tout le monde a droit à l’électricité qui est distribuée en fonction de la consommation. Pour y avoir accès, les habitants donnent une contribution. L’argent servira aussi à la communauté, par exemple pour réparer la turbine du micro-hydro.
Ce n’est pas très cher. Par lampe, c’est 2000 roupies par mois (+/- 0,11cts d’euro). Il y a donc des maisons qui payent seulement 7000 roupies par mois (0,40 cts d’euros), d’autres qui s’en servent beaucoup plus, avec un réfrigérateur par exemple, peuvent payer 20.000-30.000 roupies par mois (1,15 – 1,71 euros), ce qui n’est pas excessif. Mais cela peut faire beaucoup pour ceux qui ne travaillent pas.
Le système électrique est simple : un petit barrage a été construit dans la rivière, pour conduire l’eau vers une rigole pour arriver ensuite dans un gros tuyau où elle coule jusqu’à la fin de la distribution. Une partie de l’eau repart dans la rivière et l’autre rentre dans la turbine qui va générer l’électricité fournie aux villages.
Mika : J’ai pu constater que l’électricité fonctionnait très bien et en continu. Ordinateur, radio, tv, lumière, frigidaire, tout fonctionnait parfaitement.
Il y a un village qui accueille des nouveaux riches qui sont allés à la recherche de l’or et en ont trouvé. Ceux-ci ont remplacé leurs maisons en bambou par des maisons en dur. Ils se sont alors connectés au PLN (compagnie d’électricité nationale comme EDF en France).
Mais c’est une solution qui coûte trop cher pour 99% des villageois. Le revers de la médaille, c’est que lors des tremblements de terre, ces maisons en dur se sont fissurées, voir écroulées alors que les maisons construites de manières ancestrales sont toutes restées debout.
Ciptagelar maisons
10.The Breath : Comment construisez-vous vos maisons ? Sont-elles construites en fonction de la position du soleil, des étoiles ?
Ciptagelar : Nous ne construisons pas nos maisons en fonction des astres mais en fonction d’une philosophie spirituelle. A Ciptagelar la maison est considérée comme un corps humain. Qu’est-ce que le corps humain ?
Un humain vit sur la terre et non pas en dessous. Le terrain, c’est la terre.
Les pieds sont les piliers qui viennent se positionner sur celle-ci, juste au-dessus d’une petite pierre. Ni le caillou ni les poteaux ne rentrent dans la terre, aucune fondation.
Le ventre, c’est le plancher (là où l’on vit et l’on marche dans la maison).
Les épaules sont le dessous du toit.
La tête du corps humain, c’est la couverture du toit, fait de ijuk ou fibres de palme (tandis qu’à Bali les maisons traditionnelles sont recouvertes de alang-alang ou roseaux).
Sur un plan spirituel, nous considérons que nous ne devons pas avoir de terre au-dessus de la tête car ceux qui « vivent » sous la terre sont les morts et non pas les vivants. Les maisons modernes aujourd’hui utilisent le genteng ou des tuiles faites de terre.
À nos yeux, lors de séismes, si ces maisons où l’on vit « sous terre » s’écroulent, c’est normal car ce ne sont pas des maisons pour les vivants mais des maisons pour les morts.
Mika : Leur philosophie de construction est pleine de bon sens. Elle reste en cohérence avec leur philosophie du respect de l’environnement et de la symbiose avec la nature. Il n’y a aucune fondation, les poteaux de bois sont juste posés sur des pierres plates.
Toutes les maisons sont regroupées ensemble et se font face, de chaque côté d’une rue pavée. Elles ont toutes plus ou moins la même forme mais peuvent avoir des tailles différentes suivant les moyens de chacun. En moyenne, une maison de 100m2 coûte environ 850 euros.
11.The Breath : Quels matériaux utilisez-vous ? Vos maisons sont-elles résistantes aux tremblements de terre ? Sont-elles écologiques ?
Ciptagelar : Oui nos maisons sont écologiques. Nous prenons les matériaux au hutan titipan qui veut dire « la forêt qu’on nous a confiée ». Nous avons le droit de nous servir, de couper du bois ou du bambou à condition de replanter ensuite. Selon notre tradition, tu n’as pas le droit de prendre de la nature si tu ne lui redonnes pas, tout ce que tu lui prends, tu dois lui rendre d’une certaine façon.
Les maisons doivent être changées tous les 15-20 ans. Et comme les habitants ont pris uniquement ce dont ils avaient besoin puis ont replanté directement après, au moment de reconstruire, ils pourront toujours se resservir au hutan titipan puisque tout aura repoussé. Cette forêt sert donc à voir très loin dans le futur.
Tous les matériaux sont naturels. Sur le toît par exemple, nous ne plantons aucun clou, nous utilisons seulement de la ficelle de rotin. Pour les tremblement de terre, avec ma femme, quand ça bouge, nous restons au lit et nous écoutons juste ce qui va tomber comme objet, car la maison ne risque absolument rien (rires).
Mika : Leurs maisons sont effectivement ultra-résistantes aux séismes. D’un point de vue physique, étant donné que la maison n’a pas de fondation, elle suit le mouvement de la terre et ne peut donc pas casser. De plus, le matériau utilisé est le bambou, qui est très flexible. Lors d’un séisme, elle ondule simplement au grès du mouvement comme un bateau amarré qui tangue sur les vagues.
animal a ciptagelar
12.The Breath : Quel est votre rapport aux animaux ? Sont-ils considérés comme des esclaves ou des amis ?
Ciptagelar : Les animaux vivent ici en liberté. La population les considère comme des amis et non pas comme des esclaves, par exemple nous leur parlons régulièrement. Leur nourriture varie selon les disponibilités locales et saisonnières : légumes, graines, foin etc. Quelques-uns travaillent pour aider les habitants à cultiver dans les champs ou à accomplir d’autres tâches. C’est un partenariat homme-animal mais jamais un animal n’est mis seul, à contribution.
13.The Breath : Que pensez-vous du fait de ne pas en manger ? Pouvez-vous comprendre le fait d’être végétarien ou végan ?
Ciptagelar : Nous n’avons aucune objection à soulever quant au végétarisme ou véganisme. Nous comprenons que des gens ne mangent pas d’animal. Dans notre philosophie, ce choix serait lié au karma individuel. La personne serait appelée à suivre ce mode alimentaire pour évoluer dans sa vie spirituelle.
14.The Breath :Faites-vous des sacrifices d’animaux et si c’est le cas, pour quelle raison ?
Ciptagelar : Non, aucun sacrifice animal n’est offert dans nos villages. Nous ne consommons d’ailleurs que très peu de viande rouge, seulement du poulet ou de la chèvre de temps à autre.
Mika : Lorsque qu’il parle des végétariens et du mode alimentaire en relation avec un cheminement d’évolution pour leur vie spirituelle, il fait traduire que ce n’est pas une échelle de valeurs, c’est-à-dire que les végétariens ou vegans ne sont pas plus évolués spirituellement qu’une personne qui mange de la viande. Pour eux, c’est juste leur Karma de vie passée (accumulation d’expériences) qui les amène à expérimenter ce genre d’alimentation.
Je lui ai d’ailleurs fait remarquer que beaucoup de végétariens ou vegans n’étaient pas forcement éveillés à une démarche spirituelle mais que leur non consommation de produit animal était souvent une réaction d’opposition (au début) à la façon dont les animaux étaient élevés puis tués.
Et que pour certains, un chemin spirituel s’ouvrait après cela. La spiritualité étant encore mal considérée en France et appréhendée avec des distorsions perceptuelles, trop peu de personnes (à mon sens), osent vraiment s’engager dans une démarche de transformation intérieure. C’est-à-dire entrer dans la voie du détachement. C’est pourtant ce que nous impose l’effondrement systémique et les problèmes climatiques.
15.The Breath : Quelle est votre religion ? Parfois les indonésiens doivent avoir une religion de formalité mais ils ne la pratiquent pas forcément. Si tel est votre cas, quelles sont alors vos vraies traditions ?
Ciptagelar : La religion pratiquée à Ciptagelar est un syncrétisme de l’Islam avec ce qui est considéré comme la religion originelle des îles indonésiennes, elle-même un syncrétisme des croyances animistes régionales avec l’hindouisme. Nombreux sont les rituels en hommage à la déesse du riz. Les femmes ici, ne portent pas le voile. La polygamie n’est pas usuelle, sauf dans certains villages où des hommes nouvellement riches deviennent polygames pour des raisons égotiques.
Mais la majorité ne l’est pas pour des raisons traditionnelles : pour bien cultiver le riz, il faut être sepasang (une paire, en couple). Sepasang, c’est l’essence même de notre monde : le couple du jour et de la nuit, du froid et du chaud, du bonheur et du malheur, etc… Et si tu ne l’es pas, en conséquence, ta récolte ne sera pas bonne, la nature ne te donnera pas. A partir de cette tradition où il faut « être à deux », la polygamie ne se fait pas.
Mika : Ils vivent plus une traditions qu’une religion, ou encore plus une philosophie de vie qui a ses fondations sur les traditions des ancêtres.
Alors quand on leur demande juste comme ça, ils répondent : nous sommes musulmans. Mais dès que l’on rentre dans des conversations plus subtiles, les explications montrent qu’ils ne suivent pas de religion à proprement parler. Les femmes ne sont pas voilées et les hommes ont une tenue noire (cette couleur serait aussi liée aux croyances non-musulmanes).
Si je pouvais résumer leur philosophie en un seul mot, ce serait : l’équilibre.
Yoyo
16.The Breath : Quelle est votre relation à la terre, aux étoiles ?
Ciptagelar : Nous entretenons en effet une relation très prioritaire avec la terre ainsi qu’avec les étoiles. Dans tous nos actes, nous intégrons une dimension sacrée en lien avec la nature. Cela va jusque dans notre quotidien à la maison. Pour cuisiner le riz par exemple, nous suivons les mêmes règles que pour le cultiver : sans machine, la cuisson se fait donc sans gazinière, avec du bois.
D’ailleurs, même ceux qui ont voulu construire des maisons en dur, n’ont pas le droit de cuisiner le riz avec des gazinières, ils ont donc dans leur maison du bois pour le cuisiner.
Mika : Leur vie toute entière suit les rythmes de la Nature, le mouvement de la terre et des étoiles. Pour planter ainsi que pour récolter, il n’y a rien qui soit effectué sans offrande auparavant. Cette dimension rituelle m’a marqué le jour où nous nous sommes allés à la rizière.
Nous marchions et arrivés en bordure de rizière, Pak Yoyo s’est arrêté net, comme pour faire une transition avant de la fouler. Je lui ai demandé pourquoi, il m’a répondu : avant de commencer à travailler, il nous faut laisser de côté toute notre vie actuelle sinon nous transmettrons des énergies basses à la terre. Nous exécutons ainsi notre tâche de façon beaucoup plus posée et sereine.
J’ai pu observer que les habitants de Ciptagelar ont un véritable lien spirituel avec la Terre.
17.The Breath : Comment est votre rapport avec la maladie et la mort ?
Ciptagelar : L’aspect psychologique de la maladie est bien pris en considération, cependant, avant d’ agir nous cherchons à savoir si la cause est uniquement physique, ou spirituelle ou bien si elle ne fait pas partie du karma ou du hukum (ce mot veut dire « loi », mais on l’emploie aussi pour parler de punition).
Les soins sont donc orientés vers la cause de la maladie : un soin psychologique, un soin oral, ou bien des soins médicaux avec les sages-femmes ou les médecins extérieurs.
Dans la plupart des cas, nous n’avons pas besoin d’aller voir un médecin. La plupart des causes des maladies se trouve dans la psychologie ou proviennent du karma ou du hukum, elles sont donc soignées par le chef-soignant en ramenant l’attention du malade sur la cause de la maladie.
18.The Breath : Comment est votre rapport avec la mort ?
Ciptagelar : Pour le rapport à la mort : les défunts sont enterrés dans des cimetières, nous avons un espace prévu pour cela. La mort est un processus qui fait partie de la vie, c’est naturel, nous n’en faisons pas un drame.
Mika : Que ce soit pour la maladie ou pour la mort, ils abordent le sujet avec beaucoup de philosophie. Je leur ai expliqué que les français étaient les numéros un au monde de consommation d’antidépresseurs et de médicaments et que j’avais pu constater que dans le reste de l’Indonésie, les médecins actuels prenaient aussi la voie de la facilité.
Nous sommes tombés d’accord sur le fait que prendre un médicament sans essayer de comprendre la cause, revient à se voiler les yeux sur ce que à quoi nous devons faire face, ce qui correspond à un déni de la réalité et que cette prise de position était le signe d’une perte de valeurs et du sacré en soi. Les médicaments ne soignent pas mais apaisent ou décalent le problème.
Du coup, nous avons relié cela avec l’effondrement mondial actuel, trop de personnes se cachent les yeux et les oreilles, sont dans un déni alors que notre monde, lui est malade, gravement malade…
Ce déni est directement lié à notre peur commune, celle de mourir. Accepter sa mort de son vivant, s’y préparer est la plus grande forme de résilience qui soit. Et cela commence par choisir un autre positionnement vis-à-vis de la maladie puis accepter le réel tel qu’il est et non, tel que nous le voudrions.
Femmes de ciptagelar
18.The Breath : Comment se passent les soins et la médecine au sein de la communauté ? Avez-vous des sages-femmes ? Des médecins ? Vous rendez-vous à l’extérieur pour des consultations payantes ?
Ciptagelar : En cas de maladie, les habitants vont voir les sages-femmes qui travaillent au puskesmas (acronyme de pusat kesehatan masyarakat ou centre de la santé du peuple). Mais avant de se faire soigner, la personne « malade » passe d’abord par tout un questionnement du chef soignant pour comprendre l’origine de la maladie : psychologique, spirituelle, punition karmique ou causes purement physiques.
Nous attachons beaucoup d’importance à tous ces aspects, y compris pour un simple mal de tête.
Si la maladie s’avère d’origine physique et que nous ne pouvons pas la soigner au village, le malade va alors voir et payer un médecin à l’extérieur (minimum 1h30 de route). Ou bien, la communauté en fait venir un.
Certains habitants gagnent leur vie en faisant des petits boulots mais parfois les malades n’ont pas assez d’argent. C’est pourquoi nous faisons intervenir le docteur seulement pour les cas difficiles ou encore d’extrême urgence. Il arrive aussi que le village prenne en charge les soins, avec l’argent communautaire.
- The Breath : Comment gérez-vous les problèmes humains ? Les problèmes psychologiques ? Y a-t-il des réunions entres les personnes ?
Ciptagelar : Il faut différencier les problèmes liés aux coutumes/traditions, des problèmes personnels. Pour gérer les problèmes, il faut d’abord comprendre que dans l’inconscient collectif des habitants de Ciptagelar, le plus naturel à faire en cas de problème se présente ainsi : quand il y a un gros problème, on va faire en sorte que ce problème devienne un peu plus petit et quand il y a un petit problème, on va faire en sorte de l’écarter, de l’arrêter.
Par exemple, si quelqu’un dit du mal sur nous, on va juste passer outre ce fait, puis se dire : ce n’est pas grave.
Pour ne pas rentrer en conflit, il existe chez nous une forme d’humilité lorsque nous faisons face à une problématique. Il n’y a pas de rapport d’égo.
Et même si quelqu’un avait un égo un peu plus prononcé, ce serait l’autre qui puiserait dans son côté plus spirituel et empathique pour ne pas bousculer son ego. Afin que les problèmes ne se propagent pas mais au contraire s’atténuent, il y aura toujours une ou plusieurs personnes qui maintiendront une certaine humilité.
Parfois quand deux egos sont bousculés, on peut organiser des réunions avec les membres du comité Adat (tradition) mais sans pour autant impliquer toute la communauté. Les problèmes se règlent donc de manière individuelle et collective à la fois.
Mika : Cette forme d’humilité constante m’a profondément touché. Elle est présente partout, il y a une réelle volonté de ne pas choquer, de ne pas déranger. J’ai pu observer un désaccord sur une manière de planter. Les deux personnes ont aussitôt pris du recul vis-à-vis de leur position respective et presque naturellement, ont ri et se sont mises d’accord.
Je pense que lorsque qu’on se rend compte que l’on ne s’adresse plus à l’être en face de soi mais à l’ego qui est dans l’être en face de soi, alors on peut avoir cette prise de conscience et rire ensemble. A ce moment, nous ne rions pas de l’autre, mais nous rions de notre propre stupidité en nous voyant pris par nos egos. Après tout, l’ego ne se nourrit que de construction mentale, d’envie et de conflit… Une fois que nous le savons, il devient plus aisé de ne pas le laisser prendre le dessus.
Roi et Reine de ciptagelar
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20.The Breath : Quelle est la politique communautaire du village ? Y a-t-il une hiérarchie (par exemple chef du village, chef du hameau, chef des traditions, et ensuite vient le peuple) ? Est-ce une politique où tout le monde a le droit de s’exprimer ?
Ciptagelar : Comme dans le reste du pays, la hiérarchie se compose plus ou moins, des degrés suivants : Kepala Desa (le chef du village), Kepala Dusun (le chef du hameau), Kepala Adat (le chef des traditions).
À Ciptagelar, c’est le Adat, donc la tradition qui est beaucoup plus fort que le reste. C’est aussi un Adat ancien. Il s’agit d’une souveraineté, les chefs du village sont considérés comme le roi (Abah ) et la reine (Amah )du village. C’est le roi et la reine qui prennent les décisions finales pour le peuple.
Mika : Ce que j’ai pu observer, en observant Abah et Amah, c’est qu’ils sont tous deux très proches des citoyens. Ils vivent avec la communauté, participent aux tâches, toujours souriants, ils inspirent un respect sincère du peuple.
Je pense aussi que le roi et la reine ont du poids auprès du gouvernement. Certains membres, ainsi que des artistes, viennent les consulter avant de prendre des décisions. Abah aurait des pouvoirs spirituels et ses connaissances en astrologie locale les aident à voir s’ils vont dans la bonne direction, si leurs projets en vue, leur correspondent.
C’est apparemment ainsi qu’ils gèrent la politique communautaire. J’en saurai beaucoup plus lors de mon prochain séjour où je vivrai avec eux pendant 1 à 2 mois.
21.The Breath : Comment se répartit le travail communautaire ? Tout le monde travaille-t-il dans les champs ? Y en a-t-il qui travaillent au bureau ? Existe-t-il une forme bureaucratique ? Si oui, comment sont réparties les tâches ? En dehors du travail communautaire, comment gagnez-vous votre vie ?
Ciptagelar : Tout le monde sans exception, adulte comme enfant, travaille dans les champs. Et même si certains ont un travail à l’extérieur, celui-ci ne doit pas empiéter sur le travail communautaire : cultiver les champs et les légumes, construire les bâtiments et les routes, réparer les ponts etc. Des tâches intellectuelles existent mais il n’y a pas de forme bureaucratique.
Chacun a une tâche bien précise. Pour les anciens, cela leur est transmis de génération en génération, cela est naturel. D’ailleurs quand nous sommes tous ensemble dans les champs, sans même avoir à se parler chacun sait ce qu’il doit faire.
Quant aux nouveaux venus, on leur attribue une tâche en fonction de leur nature et de leur talent. Dans le cas où définir la nature ou le talent d’une personne est difficile, celle-ci va alors aider un peu partout. Cela se met en place naturellement.
S’il y a des experts (par exemple en électricité, en construction, en informatique) parmi les habitants, ils peuvent faire des échanges de services.
Enfin, si quelqu’un souhaite se faire un peu plus d’argent, il peut effectivement travailler en dehors de la communauté, à condition de toujours prioriser la communauté avant son gagne-pain personnel. C’est la communauté avant toute chose. La vie personnelle passe au second plan.
Certaines personnes se font un peu de revenus en ouvrant des petits boui-bouis ou kiosques. Parmi elles, figurent les gens de l’extérieur venus s’intégrer à la communauté. D’autres habitants travaillent aussi à l’extérieur pour vendre les surplus de café et de légumes.
Par contre, la communauté refuse toute demande extérieure pour faire de la grosse production d’usine. Et traditionnellement, nous ne vendons jamais le riz ni la citrouille. Symbolique de vie, le riz comme la citrouille fait vivre l’humain. Cela suscite un grand respect, nous estimons donc que ce n’est pas une marchandise.
Mika : L’acquisition des tâches en fonction des réelles natures et des talents de chacun, résonne fortement en moi car ce sont les méthodes que je tente d’enseigner lors de mes conférences et séminaires.
Le ministre de l’éducation devrait en prendre note. Car au lieu de formater des êtres humain pour penser et vivre comme tout le monde, nos écoles pourraient alors élever des talents et nous ne vivrions plus du tout de la même façon, « la mode « n’existerait tout simplement plus.
Au regard de la vie communautaire, ceux qui ne sont pas en accord ou plus en accord avec le fait de faire passer la communauté en priorité avant leurs désirs personnels, ne restent pas et doivent partir. C’est pour cette raison que ça perdure depuis plus de 600 ans.
Ciptagelar riz
22.The Breath : Ciptagelar existe depuis plus de 600 ans. Comment parvenez-vous à gérer les pressions politiques ? À l’ère de de la dictature de Soeharto mais également à l’ère actuelle ?
Ciptagelar : C’est assez difficile d’expliquer comment nous avons résisté aux pressions politiques. Nous sommes les gardiens de ces terres mais en réalité elles ne nous appartiennent pas. Nous n’avons aucun certificat.
Nous avons une politique locale comme dans la plupart des régions indonésiennes, du chef de village, des chefs de hameaux et du chef des coutumes/traditions. Seulement, en plus de cela, nous avons la souveraineté, le Abah qui apparemment a le plus grand pouvoir. On lui attribue aussi des pouvoirs dits magiques et les gens de toute l’Indonésie, artistes, villageois, citadins, personnes du gouvernement viennent le consulter pour cela.
D’une certaine manière, le fait d’être autonomes en nourriture, en eau et en électricité et de ne pas vendre notre riz nous permet de rester à l’écart des pressions politiques. Et le dernier point concerne la protection des forêts. Nous jouons un rôle certain dans la protection de la biodiversité.
Mika : À ma connaissance, le président actuel Jokowi a délivré 10.000 certificats aux personnes dans la même situation qu’eux, pour éviter qu’un jour le gouvernement ne se réapproprie les terres. Je me renseignerai auprès de Yoyo, leur porte-parole, pour avoir plus de détails sur cette question et voir comment ils envisagent le futur concernant la gestion des terres.
23.The Breath : Comment vos biens sont-ils départagés ? Distribuez-vous leurs récoltes à parts égales ou est-ce en fonction des familles ? Comment les maisons sont-elles allouées ? Chaque personne arrivant ou naissant au village a-t-elle droit à une maison ? Toute la communauté participe à la construction des maisons pour tout le monde ou sont-elles achetées par chacun individuellement ?
Ciptagelar : Ici chaque personne doit acheter ses biens, son terrain, sa maison. Il n’existe cependant pas de certificat. Certains les reçoivent en héritage, d’autres ont vendu leurs terres et d’autres les ont achetées. Cet achat et revente de terre reste cependant symbolique car nous n’avons pas de certificat.
Pour la culture, c’est pareil, chacun cultive son coin de terre, ses légumes, ses fruits. Par contre nous le faisons tous en même temps selon la position des étoiles dans le ciel.
Pour les surplus de fruits et légumes, plusieurs options se présentent : en offrir à Abah et Aamah ou bien aux gens qui en ont besoin. Sinon, on peut aussi faire du troc comme échanger ses tomates contre des pommes de terre. Enfin, lorsqu’ils nous avons besoin de finances, nous vendons le surplus entre nous.
Un bon nombre de nouveaux viennent s’installer à Ciptagelar. Ils demandent la permission à Abah, le roi du village, et la reine Amah. Ils devront répondre à des questions pour expliquer la raison de leur venue, est-ce qu’ils sont prêts à s’adapter à la communauté, à suivre les règles etc…
Même si nous achetons chacun achète notre maison, en fonction de nos activités quotidiennes, nous participons à la construction des maisons, ou à la culture du riz et des légumes sur le principe de la responsabilité communautaire.
Mika : Il existe effectivement une synergie collective : ou c’est tous ensemble, en respectant une certaine individualité, ou c’est chacun pour soi. L’entraide a lieu notamment lors de l’extraction des grains de riz de leur écorce, lors de la construction d’une maison pour un nouvel arrivant ou encore lors de la réparation de celle d’un ancien habitant. On retrouve encore ici le principe de leur philosophie de l’équilibre. Ce n’est pas 100% de contributionnisme ni 100% d’individualisme mais une harmonie entre les deux.
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24.The Breath :Quel est votre rapport au tourisme ? Sont-ils nombreux ? Comment cela fonctionne ?
Ciptagelar : Il y a des touristes qui viennent nous voir, surtout des locaux, en règle générale, le week end et les jours fériés. Ils restent une journée ou dorment ici chez l’habitant. Mais en réalité, très peu de touristes visitent Ciptagelar car le trajet est compliqué, il faut avoir un 4×4 ou une moto.
De temps à autre, une agence de voyage hollandaise envoie une à deux personnes seulement, jamais de groupe. Ils arrivent le matin et repartent le soir, ils passent rarement la nuit même si cela peut arriver.
Ensuite il y a des personnes comme toi qui viennent ici non pas pour regarder mais pour apprendre. Nous avons beaucoup de respect pour tous ceux qui veulent apprendre nos traditions. Si c’est pour une longue durée comme un mois ou plus, alors nous nous réunissons avec Abah et Amah pour savoir si cela ne va pas aller à l’encontre de la communauté. Nous avons déjà eu la visite sur une longue durée, d’un Japonais, d’un Australien et d’un Hollandais .
25.The Breath :Quel est l’impact du tourisme sur votre vie, est-ce que cela l’a changée d’une certaine façon ?
Ciptagelar : Notre responsabilité communautaire nous permet de nous préserver des masses touristiques qui n’ont pas leur place ici. Tout le monde est le bienvenu, si cette venue respecte nos valeurs ancestrales.
Quand il y a des touristes, les habitants vendent leurs produits artisanaux: paniers, sacs, tissages ikat, un peu de café. Quelques personnes, en dessous de 1% sont un peu axées sur l’argent vis-à-vis des touristes, comme souvent dans des destinations touristiques. Pour éviter ces pratiques, la communauté régule les activités de la manière suivante : interdire toute production de masse et refuser les agences qui proposent d’envoyer des grands groupes. Notre éloignement, la route de montagne et les forêts difficilement accessibles nous aident aussi à maintenir nos valeurs vis-à-vis du tourisme.
26.The Breath : Comment parvenez-vous à préserver vos valeurs et vos traditions ?
Ciptagelar : Ensemble, chaque membre de la communauté doit cultiver les champs en fonction de la position des Etoiles dans le ciel. Cette obligation fait passer le travail communautaire avant toute chose. L’Adat (la coutume/la tradition) est enseigné dans une école dédiée à sa transmission mais passe également par la transmission orale de parent à enfant.
Ciptagelar valeurs spirituelles
27.The Breath : Et pour les enfants, avec l’avènement des technologies, d’internet, des téléphones portables et autres gadgets, comment arrivez-vous à leur transmettre vos valeurs ancestrales et les faire perdurer ?
Ciptagelar : Tous les enfants possèdent un téléphone portable et ont accès à Youtube etc ; tous savent s’en servir. D’ailleurs ici, nous avons un accès internet de très bonne qualité n’est-ce pas ?
Nous ne nous battons pas contre cela car c’est l’époque qui le veut. Vouloir aller contre, reviendrait à s’épuiser. Tout comme le changement climatique, quand un cycle est là, il est préférable de l’accueillir pour mieux le comprendre, l’appréhender et apprendre à vivre avec, plutôt que vouloir se battre contre, générer de la peur pour au final s’épuiser.
Cependant quand l’heure de contribuer pour la communauté sonne alors tout le monde, enfants y compris dépose les gadgets technologiques qui après tout, ne sont que des jouets parmi tant d’autres.
Mika : Ils parviennent à garder leurs valeurs car malgré l’accès à la technologie, c’est la communauté qui prime. Cet impératif est d’une grande importance. C’est un peu la gardienne des valeurs.
La clé de tout cela, à mes yeux, c’est qu’ils ont su s’adapter au présent, à l’époque dans laquelle nous vivons. Ils ont donc manifesté et élevé une forte résilience face au changement des époques.
Ils ne sont pas restés figés dans leurs traditions pour rester hors-système puis couler par la suite. Ils ont su au contraire s’adapter au système sans pour autant se laisser happer. La communauté vit dans la frugalité maximale, ils ne prennent que ce dont ils ont besoin, ni plus ni moins.
Ils vivent dans la simplicité, mais pas à la préhistoire non plus. Un message à toutes les communautés pro-écolos qui veulent revenir à l’époque de Robin des bois… Ca ne fonctionnera pas car vivre dans le présent, c’est être connecté avec son époque et son environnement. Un savant et juste équilibre entre Lowtech, technologie, nature s’impose pour ne pas vivre dans un passé qui n’existe plus ou dans un futur nous éloignant de notre nature humaine.
28.The Breath : Utilisez-vous des véhicules pour vous déplacer ? Pour cultiver ?
Ciptagelar : Oui, ici tout le monde possède un véhicule, sa petite moto. Nous avons un 4×4 ambulance qui a été offert par la société de télécommunication telkomsel. Abah a une voiture ainsi que quelques très rares habitants. Nous pratiquons le Ojek (moto taxi)
Comme je vous l’ai dit, il est interdit d’utiliser de véhicule pour cultiver, tout doit se faire à la main, y compris le ramassage des gerbes de riz. Par contre, une fois que les graines ont été retirées de l’écorce, nous pouvons utiliser la moto ou la voiture pour les transporter.
ciptagelar enfant
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29.The Breath : Quelle est la place des femmes dans la communauté ? Existe-t-il un accord entre les femmes et les hommes ? Quelle est la place des enfants ?
Ciptagelar : Les hommes et les femmes sont sur un plan d’égalité. Toute la vie tourne autour du riz, où cultiver revêt un sens sacré et spirituel. Il existe donc des responsabilités partagées : la responsabilité de l’homme va de la semence des terres jusqu’à ce que la récolte arrive dans les greniers à riz. La responsabilité de la femme va de l’extraction des grains de riz des écorces jusqu’à ce que la nourriture arrive dans l’assiette. Dans les deux cas, nous nous aidons l’un, l’autre à chacune des étapes.
Il existe donc, aussi bien au niveau communautaire que familial, une entraide entre les femmes et les hommes bien qu’il y ait des responsabilités individuelles bien définies par genre.
Mika : À Ciptagelar, les femmes mettent leur féminité et leur beauté en avant, se maquillent, s’habillent et se font belles, présentables, même pour aller dans les rizières.
Les femmes ne sont pas cachées ni voilées.
Lors de mon arrivée, Yoyo, le porte-parole du village n’était pas là. Il m’a invité à consulter sa femme pour lui poser toutes les questions que je voulais.
On constate qu’il y a une réelle confiance, contrairement à d’autres lieux à majorité musulmane où le principe de la religion ne laisserait jamais un homme seul, aller voir sa femme ou comme je l’ai fait : demander à sa femme de répondre et rester avec moi pendant plus de 2 jours.
Ceci m’a démontré que la place de la femme au sein de la communauté a une véritable importance et qu’elle est à rang égal avec l’homme.
30.The Breath : Comment gérez-vous la natalité des habitants ? Existe-t-il un nombre maximum ou minimum d’enfants par famille, afin de préserver la communauté ?
Ciptagelar : Non, il n’existe aucune restriction concernant le nombre d’enfants par famille, nous pouvons en avoir autant que nous le voulons.
Mika : Il existe cependant une incitation pour limiter les familles à en avoir 2 seulement. Mon interlocuteur n’est pas entré dans les détails sur cette question. Est-ce dû à la politique, la place, l’époque actuelle ? Je creuserai cette question lors de mon prochain séjour.
32.The Breath : Comment les enfants sont-ils scolarisés ? Fréquentent-ils une école à l’extérieur de la communauté ou existe-t-il une école particulière ? Dans ce cas-là, quel est son cursus ? Qu’est-ce qu’ils apprennent particulièrement, ou qu’est-ce qu’ils n’apprennent pas ? Pour quelles raisons ?
Ciptagelar : Une école nationale, construite en dur, accueille les élèves de primaire ainsi que ceux du collège. La plupart des professeurs sont locaux mais certains viennent de l’extérieur.
Par ailleurs, les enfants fréquentent aussi un autre établissement appelé sekolah adat ou l’école des coutumes. Ils apprennent les traditions mais également les raisonnements qui sous-tendent chaque pratique.
Par exemple : « Pourquoi ne faut-il planter qu’une seule fois ? Pourquoi ne faut-il pas manger plus que de besoin ? Pourquoi faut-il protéger la nature ? » Nous avons auparavant essayé de supprimer complètement l’école nationale afin d’éduquer les enfants uniquement à l’école des coutumes.
La majeure partie de la population ne comprenait cependant pas pourquoi éliminer le cursus national.
Elle reste donc toujours en place bien que nous avons enrayé tout le côté strict de la dictature tel que les cérémonies du drapeau et des hymnes. Une fois le collège terminé, certains enfants sont ensuite scolarisés à l’extérieur, comme à Bandung ou autres villes, mais la plupart ne le sont pas et restent dans le village.
Mika :Lors de mon arrivée, Pak Yoyo n’était pas là car il était à un colloque pour justement proposer un changement d’éducation sur le plan national, revenir sur un enseignement des sens (physiques) pour apprendre à s’écouter, vivre avec son environnement, le protéger, et supprimer les matières spécifiques qui ne devraient servir qu’à ceux qui désirent suivre une voie spécifique. Par exemple : celle des mathématiques avec sinus et cosinus…
Nous avons longuement discuté sur ce sujet et je lui ai fait part de mon approbation. L’école mérite d’être réformée en totalité, afin de permettre à chaque enfant de devenir ce qu’il est vraiment au fond de lui. Un artiste a juste besoin de développer son art, un expert son expertise. Cela fera de l’espèce humaine une espèce riche d’experts en tout et non des reproductions d’un modèle pré-établi à quelques nuances près, aussi bien dans les actions que dans les pensées.
Cipta gelar villageois
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33.The Breath : Quels sont vos jeux : les jeux d’enfants, les jeux d’adultes, les jeux de société ?
Ciptagelar : Il y a quelques années encore, les enfants fabriquaient ensemble des voitures en carton pour se pousser mutuellement. Aujourd’hui ils ont laissé de côté ces jeux et ne s’amusent qu’avec des gadgets ou des téléphones portables.
Tout comme nous les adultes qui en sommes accrocs, les enfants ainsi que les adolescents sont devenus un peu « autistes ». Et chez les moins jeunes, il n’existe pas non plus de jeux de société, les adultes ne jouent ni aux cartes ni aux échecs.
34.The Breath : Quels sont vos contes, vos chants, vos danses ? À quoi se réfèrent-ils ?
Ciptagelar : Au village de Ciptagelar, c’est très simple : tous les chants, les contes ainsi que les danses sont en relation avec la culture, c’est-à-dire à la nature, au fait de cultiver le riz. Nous chantons nos chants seulement quand nous allons dans les champs , cuisinons, faisons la farine, marchons ensemble, préparons des offrandes ou lors de cérémonies traditionnelles.
Mika : Leurs pratiques rituelles sont indissociables du sacré et ont donné naissance à une forme d’art exceptionnelle que l’on retrouve dans la manière de s’habiller, de planter, de collaborer avec la nature. Au début, je pensais que les habitants de Ciptagélar ne s’intéressaient pas à l’art puisque je ne les voyais pas donner des concerts, des spectacles , puis je me suis aperçus qu’ils vivaient leur art toute la journée, qu’ à chaque instant, ils étaient dans une représentation artistique.
Chacun de leur geste est une pièce de théâtre, chacune de leur prière est une chanson, ça a été une prise de conscience incroyable, de voir que l’art tel que nous l’entendons peut être vécu à chaque instant et non pas juste comme un exutoire.
35.The Breath : Quelle est la place des rêves dans la communauté ?
Ciptagelar : Les rêves sont pris au sérieux et ont une place importante dans la communauté. Les anciens analysent les leurs ainsi que ceux des habitants. Il n’existe pas de transmission orale pour apprendre comment les analyser.
Les jeunes apprennent naturellement, par mimétisme et par l’exemple, lorsque les anciens analysent leurs rêves. Lorsqu’à leur tour ces jeunes deviennent des anciens, ils savent alors le faire.
À Ciptagelar, les rêves ont une signification, un sens. Ces rêves nous permettent de mieux nous comprendre mais aussi de nous mettre en garde sur les choses à ne pas faire, de nous éclairer sur ce que nous devons faire ou de nous aider à prévenir des maladies. Ils nous donnent des indices.
Mika : Il ne pouvait en être autrement. Une communauté connectée à l’équilibre ne pouvait s faire l’économie de mettre les rêves au placard, comme l’ont fait nos sociétés, dites « modernes ».
Comme le disait Carl Gustav Jung, le Rêve est la voix royale pour entrer en communication avec notre inconscient, notre intuition et l’inconscient collectif.
Une société ou même une famille qui mettrait les rêves de côté, marcherait en boitant et ne resterait alors connectée qu’à 5 des 6 sens que nous avons. Le sixième n’étant rien d’autre que notre intuition.
Cipta gelar top drone
- The Breath : Comment se passe la gestion des déchets non-organiques ?
Ciptagelar : Premièrement pour les déchets organiques : nous produisons du compost pour replanter par-dessus. Malheureusement pour les déchets non-organiques, nous n’avons pas pu encore répondre à la problématique du plastique.
D’ailleurs, vous avez pu en voir à certains endroits, surtout lorsqu’on descend vers les écoles.
Nous avons pourtant mis en place un système de tri. Le but était soit de l’envoyer au centre de recyclage de Bandung, soit de le séparer pour en faire autre chose. Mais la population ne voyait pas l’intérêt de faire le tri, ni du ramassage, d’ailleurs. A cause de ce manque de compréhension, cela n’a pas marché. Le ramassage était payant, 2000 IDR (o,11cts) par mois par personne, or pour certains, cette somme pourtant peu excessive était trop chère.
Le plastique pose donc un gros problème. À ce jour, certains en brûlent parfois,c’est une mauvaise solution pour l’environnement puisque cela dégage du dioxyde de carbone. D’autres le jettent tout simplement, il y a des endroits devenus de vrais dépotoirs à plastique.
Mika : Ce problème est typique à l’Indonésie, visible presque partout y compris à Ciptagelar. Il n’y a pas d’infrastructure de ramassage ou de recyclage. Même pour l’ile de Bali, l’ile la plus touristique d’Indonésie ou une montagne de plastique pointe son nez pas très loin de l’aéroport. Je leur ai soumis la machine du Japonais qui transforme le plastique en essence et autres matières liquides.
Conclusion
Ciptagelar m’a laissé une empreinte indélébile. Bien sûr tout n’est pas parfait, car aucun système en soi n’est parfait et c’est tant mieux. Cependant, leur philosophie de l’équilibre, du respect de la nature qui est la priorité des priorités, montre leur degré d’évolution spirituelle et leur responsabilité universelle.
Pour mon prochain séjour, j’y passerai 1 à deux mois pour apprendre à cultiver avec les Etoiles, comprendre plus en profondeur leur philosophie, découvrir leur rapport avec la nature, rencontrer les chefs soignants, les astrologues, prendre plus de temps avec le roi et la reine, m’imprégner de cette communauté âgée de plus de 600 ans, qui est toujours là.
Le message qu’elle m’a laissé : retrouver nos valeurs spirituelles est la priorité des priorités.
Lutter contre le changement climatique n’est pas la priorité, lutter contre l’effondrement systémique non plus, contre les lobbys, les politiciens, les banques non plus, contre le fait de tuer des animaux d’élevages pour les manger, non plus.
Comment tout cela pourrait-il être une priorité si nous ne traitons pas le problème de fond qui est de comprendre qui nous sommes et pourquoi nous sommes là.
Les réponses à ces questions ou les recherches de réponses à ces questions, nous amèneront par voie de conséquences, à prendre soin de notre planète. Ainsi nous éviterons les crises par nos actions communautaires et compatissantes, nous ne consommerons que ce dont nous avons besoin dans le respect de la nature. Les lobbys disparaitront d’eux-mêmes et nous ne mangerons que le strict minimum dans le respect des non humains. Ainsi le génocide animalier disparaîtra.
La priorité est bel et bien de retrouver nos valeurs, reprendre contact avec le sacré en nous, renouer d’amitié avec notre intuition, ouvrir nos cœurs à nouveau, à nos voisins.
Seul un changement intérieur en chacun de nous, permettra à l’espèce humaine de continuer d’exister. Nos actions découlent uniquement de nos intentions qui elles mêmes découlent de notre conditionnement.
Revenir à nos valeurs spirituelles, c’est se déconditionner d’un système de vie qui est contre nature.
Revenir à nos valeurs spirituelles, c’est devenir plus humain vivant en harmonie avec notre belle planète terre.
Car nous et la terre ne faisons qu’un. Quand notre dernière heure viendra, notre corps se décomposera pour rejoindre la terre mère qui elle-même ne fait qu’un avec le Cosmos, avec le Grand Tout…
Mika Denissot
Berne, 02.11.2022 - Le 2 novembre 2022, le Conseil fédéral a approuvé le train d’ordonnances agricoles 2022. Entre autres dispositions, la culture de pois chiches et de lentilles destinés à l’alimentation humaine sera désormais soutenue, les dispositions relatives à l’économie alpestre sont modifiées et les émoluments de la banque de données sur le trafic des animaux sont augmentés. Par ailleurs, le Conseil fédéral a chargé le DEFR de mettre en œuvre le versement direct des suppléments laitiers aux producteurs de lait.
Au total, 19 ordonnances du domaine agricole sont modifiées. Les nouvelles dispositions entreront pour la plupart en vigueur le 1er janvier 2023.
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Soutien aux cultures de protéagineux destinés à l'alimentation humaine
Afin de tenir compte de la hausse de la demande en protéines alimentaires végétales, les contributions à des cultures particulières seront également versées pour les cultures de protéagineux destinés à l'alimentation humaine. La culture des pois chiches ou des lentilles sera par exemple soutenue. L'objectif est d'encourager le développement de l'offre d'aliments riches en protéines végétales de production suisse.
Lentilles et pois chiches: Berne pousse pour qu’on les cultive en Suisse
Le Conseil fédéral a approuvé le train d’ordonnances agricoles 2022. Parmi les dispositions annoncées se trouve le soutien aux protéines végétales.
Ce mercredi, le Conseil fédéral a approuvé la modification de 19 ordonnances du domaine agricole. Parmi les dispositions prises (voir encadré), on trouve notamment le versement de contributions aux cultures de protéagineux destinés à l’alimentation humaine, tels que les pois chiches ou les lentilles. L’objectif est double: «Tenir compte de la hausse de la demande en protéines alimentaires végétales» et «encourager le développement de l’offre de tels aliments de production suisse», explique le Conseil fédéral.
Une décision qui intervient deux jours après la publication du rapport de la Commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain (CENH). Ce dernier relève que la Suisse veut réduire d’au moins 40% ses émissions de gaz à effet de serre issues de l’agriculture à l’horizon 2050, rappelle la RTS. Et la CENH constate que l’agriculture suisse doit «faire plus d’efforts pour devenir plus verte».
Et le meilleur moyen de diminuer les émissions polluantes est «de réduire considérablement le nombre d’animaux de rente à l’échelle mondiale et nationale», poursuivent les spécialistes, qui demandent aussi de «cultiver davantage de végétaux destinés à l’alimentation humaine et de réduire la consommation de viande et de lait».
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Parmi les autres décisions présentées dans le communiqué de presse du Conseil fédéral se trouvent des modifications des «dispositions relatives à l’économie alpestre», l’augmentation des émoluments de la banque de données sur le trafic des animaux, le maintien des primes de préservation pour le cheval franches-montagnes et une demande au Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) «de soumettre, d’ici à fin 2023, un nouveau projet de modification de l’ordonnance sur le soutien du prix du lait».
https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-91081.html
"Les razzias sont notre agricultlure"
" les "civilisations modernes" contaminent mécaniquement les "peuples premiers""
=> C'est ce qui s'est passé au néolithique avec les premiers états...
J'ai lu dans le bouquin "Homo domesticus" de James C. Scott... que la sédentarisation arrive dans des lieux "frontières" où tu peux pêcher, chasser, cultiver et cueillir au même endroit.
Ainsi plus besoin d'être nomade...
Mais voilà que rester sur place, c'est rester sur ses excréments.. c'est faire de la concentration d'animaux et de gens au même endroit.. c'est ainsi que des commensaux s'installent chez toi.. parmi eux les rats viennent avec des maladies comme la peste.... les oiseaux avec des virus comme la grippe...
.. et tu te retrouve avec des tonnes de virus qui étaient inconnus jusque là.
.. et là c'est le drame... il y a des village entier qui disparaissent du jour au lendemain. Mais avec le temps, il y a des gens qui intègrent ces virus.. ça devient une maladie infantile... une fois que c'est fait c'est bon...
Et du coup, les sédentaires, qui se forment en Etat, son immunisée.. mais dès que des nomades passent par là... ils choppent des maladies et meurent...
Ce qui est paradoxal, c'est que le problème EST la solution... cette concentration de sédentaire fini par exterminer les autres formes de vie...
Donc sur 5000 ans, les peuples se sont sédentarisés, moins par envie.. mais surtout par ce les nomades ont disparu ne laissant que les sédentaires !
Ceci aidé par la démographie des sédentaires qui est plus forte que ceux des nomades.
On estime qu'un nomade avait un enfant tous les 4 ans au plus rapprochée, car dans une vie nomade, il est bien de pouvoir se déplacer par soi-même.
Alors que le sédentaire se reproduit de manière bien plus rapprochée... même si le taux de mortalité à la naissance est de 40% à 50% ce qui n'est absolument pas le cas des nomades...
De plus le sédentaire vit beaucoup moins bien et par conséquent moins longtemps que le nomade.
Par des analyses osseuses ont peut voir de nos jours un certain nombres de carences majeures dans la nutritions des agriculteurs. C'est dur l'agriculture, alors que la cueillette c'est facile. (contrairement à ce que l'histoire écrites par no civilisation agricoles racontent.)
Un cueilleurs du néolithique mangeait 192 plantes différentes (selon des restes archéologique retrouvé en mésopotamie)
Un agriculteur en cultive beaucoup moins... et au mac do, on trouve de la salade, de la tomate, de la patate et des céréales... pour le pain... Une diversité qui se compte sur les doigts d'un main.
Bref.. malgré tous leur problèmes.. la pire des méthodes a réussi à prendre le dessus en 5000 ans....
A méditer en ces temps où une nouvelle vague d'épidémie sévit...