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« Nous avons besoin d'une OMS forte »
Le Temps
Temps fort, mardi 28 mai 2024 880 mots, p. 3
« Cette organisation joue un rôle majeur pour l'éradication de nombreuses maladies »
SANTÉ PUBLIQUE La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider a participé à sa première Assemblée mondiale de la santé hier au Palais des Nations à Genève. Elle refuse l'argument selon lequel l'OMS éroderait la souveraineté de la Suisse
La 77e Assemblée mondiale de la santé (AMS), le plus grand raout sanitaire de la planète, s'est ouverte hier au Palais des Nations à Genève sur un constat amer. Bien qu'ayant négocié parfois jusqu'à 4h du matin pendant plusieurs semaines, les 194 Etats membres de l'OMS n'ont pas réussi à s'entendre sur un traité pandémique. Chargée du Département fédéral de l'intérieur depuis janvier, Elisabeth Baume-Schneider est intervenue à la tribune de l'AMS. La ministre de la Santé analyse pour Le Temps les défis sanitaires à venir.
Vous jugez important que les Etats membres de l'OMS continuent leurs travaux pour aboutir à un traité ou accord pandémique. Pourquoi est-ce important pour la Suisse?
C'est extrêmement important. La santé globale est un vaste écosystème où chacun doit assumer sa part de responsabilité et exprimer une volonté de travailler en commun. On l'a vu avec le Covid-19, nous avons besoin d'échanger des informations sur les pathogènes, d'anticiper et de préparer la riposte à une future pandémie. Nous ne sommes malheureusement pas arrivés là où nous aimerions être dans les négociations sur le traité. Mais je veux croire que la culture du dialogue et de la négociation qui caractérise le multilatéralisme va permettre d'aboutir à un résultat significatif.
Jusqu'où la Suisse est-elle prête à faire des compromis? Elle n'est pas disposée à octroyer sur une base obligatoire des licences pour la fabrication de vaccins et traitements en cas de pandémie. Elle ne souhaite le faire que sur une base volontaire...
Elle est prête à aller assez loin pour autant que les autres partenaires fassent également des pas en avant. C'est la nature du consensus qui permet à chacun et chacune d'être satisfait du résultat de la négociation et d'avoir un résultat crédible et lisible. Mais la position du Conseil fédéral en la matière ne relève pas uniquement d'une question de politique de santé. Elle touche aussi à l'intégralité de notre système économique.
Pour l'heure, l'OMS n'est financée qu'à hauteur de 17% par des contributions obligatoires des Etats membres. Tout le reste est financé sur une base volontaire. Planifier son action devient très difficile.
C'est essentiel d'avoir une OMS forte, car les défis en matière de santé publique ne s'arrêtent pas à nos frontières et peuvent survenir de façon inattendue. Les Etats ont besoin d'une organisation basée sur la confiance, qui dispose de réseaux et d'instruments pour agir globalement. L'OMS fait exactement cela. On le voit à Genève ces jours-ci. L'AMS est une véritable fourmilière où un monde fou s'active dans le but d'améliorer les systèmes de santé dans le monde. C'est précieux. Mais pour concrétiser ses ambitions, l'OMS a besoin de vrais moyens. La décision l'an dernier d'augmenter les contributions obligatoires fut très positive.
Vous avez parlé de la nécessité pour l'OMS de faire des « efforts d'efficacité ». L'agence onusienne doit-elle se réformer?
Il ne m'appartient pas de dire ce qui fonctionne ou non à l'OMS. Mais ce que nous jugeons important, c'est que l'organisation ait des processus transparents, que nous connaissions les intérêts et intentions des parties prenantes dans les différents organes de pilotage de l'organisation.
En Suisse, certains milieux dont Mass-Voll ou Pro Suisse, voire l'ex-conseiller fédéral Ueli Maurer exhortent le gouvernement à ne pas adopter un traité pandémique, craignant une « dictature sanitaire ». Que leur dites-vous?
Le rôle du politique et d'un exécutif est précisément d'informer et de documenter ses choix. Je mets donc à la disposition des commissions parlementaires les informations dont la portée politique est sensible afin qu'elles puissent faire l'objet de discussions aux Chambres fédérales.
Mon message est de dire qu'il n'y aura pas de clauses dans le traité pandémique qui pourraient éroder la souveraineté de la Confédération. Il faut déconstruire ces a priori. Et arrêtons de faire une fixation sur les vaccinations anti-covid. L'OMS a joué un rôle essentiel durant la pandémie, mais elle oeuvre de façon active et pragmatique à l'éradication de nombreuses maladies. C'est une organisation qui sauve des vies.
Aux délégués de l'AMS, vous avez rappelé la nécessité de renforcer les systèmes de santé nationaux. Le système suisse est solide, mais montre aussi ses limites. Les primes ont déjà augmenté de 10% pour certains l'an dernier, elles pourraient augmenter de 6% l'an prochain.
On est justement en pleine discussion sur un deuxième paquet de mesures pour maîtriser les coûts de la santé. Les initiatives sur la santé sur lesquelles nous voterons le 9 juin montrent que nous sommes attachés à un système de santé de qualité, accessible à toutes et à tous, mais qui doit rester abordable financièrement. Il n'y a pas de solution toute faite. La digitalisation devrait nous permettre d'éviter des doublons et des prestations médicales non indispensables, de mieux suivre les patients. Par ailleurs, le Conseil des Etats débat des réseaux de soins coordonnés, de l'importance de la médecine de base et des médecins de famille. Ces efforts devraient nous permettre non pas de baisser les primes, mais de maîtriser leur augmentation.
Mercredi soir, Philippe Nantermod (PLR) était invité au débat Infrarouge sur les primes maladie. Interrogé, l'élu valaisan déclare avoir été invité dans un groupe de réflexion du Groupe Mutuel.
Face à lui, le conseiller d'Etat vaudois Pierre-Yves Maillard (PS) l'interpelle sur le montant perçu. Philippe Nantermod répond qu'il touchera 10'000 francs par année pour 5 ou 6 séances d'une journée.