204 liens privés
L’acacia d’Afrique, qu’il s’agisse d’Acacia nigrescens ou de Acacia caffra, est parfaitement adapté à son environnement : il résiste aux sécheresses, son bois dur le protège des attaques de termites et ses redoutables épines repoussent bon nombre d’assaillants. Mais sa meilleure stratégie de défense est invisible. Elle a été découverte accidentellement.
Dans les années quatre-vingt, des éleveurs de koudous de la province sud-africaine du Transvaal notent un taux de mortalité anormal de leurs bêtes, dans de nombreuses fermes de la région. Les koudous décédés semblent en bonne santé et ne présentent pas de traces d’attaque ni de signes de dénutrition.
Les scientifiques s’intéressent à ces morts suspectes et pratiquent des autopsies qui confirment que les animaux ne sont morts ni de maladie, ni de parasites, ni de faim ou de soif. Seul indice : leur estomac contient des feuilles d’acacia. Le zoologiste Wouter van Hoven constaste un taux élevé de tanins sur les feuilles des acacias à proximité des bêtes, mais aussi sur quelques arbres plus éloignés. Il en conclut que l’acacia augmente la concentration en tanins de son feuillage en réaction à l’attaque des herbivores, ce qui a pour effet d’inhiber la digestion. Pour autant, l’acacia n’est pas un tueur. L’augmentation de la concentration en tanins est détectable par les herbivores qui s’éloignent alors pour chercher une autre source d’alimentation plus saine. Les koudous en captivité n’avaient pas ce choix.
Wouter van Hoven va plus loin encore. Pour lui, l’acacia avertit ses congénères. En effet, des acacias qui n’ont pas été broutés présentent également un taux élevé de tanins. Pour le prouver, il simule une attaque en prélevant quelques feuilles et recouvre les branches de sacs plastiques. En analysant l’air recueilli, il constate que l’arbre libère des substances chimiques volatiles (éthylène) pour communiquer les informations, un peu comme le feraient les phéromones des animaux.
Cette histoire sur les propriétés de l’acacia a beaucoup circulé et a été reprise par des botanistes pour démontrer la stratégie ingénieuse des plantes qui constituerait une forme d’intelligence. Mais elle divise les scientifiques car d’autres experts estiment que cette analyse est le fruit d’une surinterprétation et que les réactions des plantes sont propres à leur constitution végétale.
Nous avons utilisé des jeux expérimentaux incitatifs pour manipuler le pouvoir des leaders, c'est-à-dire le nombre d'adeptes et la discrétion dont ils disposent pour faire respecter leur volonté. Les leaders disposaient d'une autonomie complète pour décider des paiements à verser à eux-mêmes et à leurs partisans. Bien que les leaders puissent prendre des décisions prosociales au profit du bien public, ils pouvaient également abuser de leur pouvoir en invoquant des décisions antisociales, ce qui réduisait le total des versements au groupe mais augmentait les gains des leaders. Dans l'étude 1 (N = 478), nous avons constaté que tant le nombre de suiveurs que les choix discrétionnaires prédisaient indépendamment la corruption des dirigeants. Dans l'étude 2 (N = 240), nous avons examiné comment le pouvoir et les différences individuelles (par exemple, la personnalité, les hormones) affectaient la corruption du leader au fil du temps ; le pouvoir interagissait avec la testostérone endogène pour prédire la corruption, qui était la plus élevée lorsque le pouvoir du leader et la testostérone de base étaient tous deux élevés. L'honnêteté a permis de prédire le niveau initial des décisions antisociales du leader ; cependant, l'honnêteté n'a pas protégé les leaders de l'effet corrupteur du pouvoir.
Les résultats, parus dans la revue spécialisée The Leadership Quarterly sont sans équivoques. Ceux-ci ont montré que plus le pouvoir augmentait – c’est-à-dire le nombre de personnes soumises aux décisions du leader ou les choix décisionnels à la disposition du leader – plus le leader était influencé par son propre intérêt, aux dépens des personnes dont il était responsable. Même ceux qui avaient une attitude honnête et socialement acceptable au moment de leur accession au poste de leader changeaient assez facilement de perspectives morales une fois qu’ils avaient goûté au pouvoir.
Mais ce n’est pas tout. L’étude a permis de révéler que des déterminants individuels, tels que le taux de testostérone que d’autres études liaient déjà plus ou moins indirectement aux comportements associaux ou égocentriques ainsi qu’à une baisse des capacités d’empathie, avait une influence tout aussi grande sur les décisions prises par les dirigeants. Spécifiquement, les dirigeants étaient particulièrement corrompus quand ils avaient beaucoup de pouvoir et un haut taux de testostérone. Il serait donc possible de prédire le comportement d’un dirigeant en prenant en compte ces deux facteurs, soit la dimension du pouvoir et les déterminants individuels.