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Le Temps 24 juillet 2024
Les neurosciences à l'orée de la perception
STÉPHANY GARDIER
LA SF DANS TOUS SES ETATS (3/5) Le film culte de science-fiction « Matrix » posait, en 1999, une question existentielle sur notre conscience du monde. Les savants, eux, s'interrogent depuis des siècles. De récentes avancées cognitives ont amorcé une évolution
Est-ce un hasard si le premier opus de la quadrilogie Matrix a débarqué sur nos écrans en 1999? En cette année si particulière, antichambre du troisième millénaire, nos esprits n'étaient-ils pas particulièrement disposés à voir le monde sous un autre jour? A découvrir, au fil des aventures de Néo, que ce que nous nommons « réalité » n'est rien de plus qu'un conglomérat de programmes, destiné à nous rendre l'existence supportable? Après avoir vu ce film pour la première fois, n'avez-vous pas regardé l'arbre devant le cinéma ou le pigeon sur votre balcon comme jamais auparavant? Et si nous nous trompions tous? Et si nous étions au milieu d'un gigantesque programme?
Illusions d'optique
La perception, la « conscience » que nous avons du monde qui nous entoure, et par extension la nature de la réalité, a toujours été un sujet d'interrogation pour les scientifiques mais aussi les philosophes, théologiens et autres penseurs. Mais longtemps ces différentes disciplines n'ont pas dialogué. L'avènement des neurosciences cognitives il y a quelques décennies a amorcé une évolution. « Elles ont permis de faire un lien entre ce qui était purement biologique - les circuits de neurones, les processus cellulaires, la génétique, les interactions moléculaires - et ce que l'on nomme de manière plus large et abstraite la conscience. Depuis une vingtaine d'années il y a ainsi plus d'échanges interdisciplinaires sur ce vaste champ de recherche », relève Sami El-Boustani, professeur assistant au département des neurosciences fondamentales de l'Université de Genève (Unige).
« Au XIXe siècle déjà, le physicien et philosophe Ernst Mach formulait l'hypothèse que les neurones visuels produisent des représentations abstraites du monde sur la base de certaines illusions d'optique, rappelle Rava Azeredo da Silveira, professeur à l'Université de Bâle, directeur de recherche à l'Institut d'ophtalmologie clinique et moléculaire de Bâle (IOB) et à l'Ecole normale supérieure de Paris. Ce n'est que bien plus tard que l'étude de l'activité du cortex cérébral a montré qu'il y a dans le fonctionnement neuronal des limitations pouvant entraîner des distorsions des informations, et par conséquent créer ces illusions. »
Le cerveau reçoit des informations transmises par des capteurs dont la définition est limitée, il va donc en permanence chercher à compléter ces signaux. « Pour interpréter ce qu'il capte du monde extérieur, il fait des prédictions à partir de nos expériences personnelles et de notre contexte culturel ainsi que d'autres paramètres, tels que nos émotions », précise Sami El-Boustani. De quoi expliquer des perceptions très variables face à un même objet ou une même situation.
« Beaucoup de choses sont aujourd'hui connues sur la manière dont le cerveau traite les informations, sensorielles notamment, mais il n'y a pas encore vraiment une compréhension globale. Le concept de la « représentation » est très souvent utilisé, même s'il ne fait pas entièrement consensus, explique Patrik Vuilleumier, neurologue, directeur du Laboratoire de neurologie du comportement et d'imagerie de la cognition à l'Unige. Cette idée suppose que notre cerveau construit une représentation de notre environnement mais cette « construction » obéit en général à un but, optimiser nos actions sur le monde et in fine les chances de survie et de reproduction de l'espèce. »
Il y aurait donc de la sélection naturelle derrière les programmes que le cerveau utilise pour traiter et compiler la masse de données qui lui parvient. « Notre cerveau, comme les autres organes, est forcément le fruit de la sélection, nous disposons de toute une machinerie psychologique qui a évolué avec le temps et nos comportements sont le fruit de cette machinerie et de notre environnement. Mais il est intéressant de constater que la biologie de l'évolution dans le domaine des neurosciences n'a pas la même place dans tous les pays, et il y a encore beaucoup de courants qui la rejettent pour expliquer les comportements », précise Stéphane Debove, docteur en sciences cognitives, auteur de Pourquoi notre cerveau a inventé le bien et le mal (Editions Alpha Sciences), et créateur de la chaîne YouTube Homo Fabulus.
Professeur Hoffman et la réalité « cachée »
Si les connaissances scientifiques ont donc largement progressé au cours de ces 25 dernières années, les questions encore en suspens laissent de l'espace à certains scientifiques pour échafauder des théories alternatives, comme celle de Donald Hoffman, professeur de sciences cognitives à l'Université de Californie, dont la vision semble plus proche de celle des soeurs Wachowski, réalisatrices de Matrix, que de celle de ses confrères. « Les cerveaux et les neurones n'ont pas de puissance causale. Ils ne suscitent aucune de nos expériences sensorielles et aucun de nos comportements », tranchait-il en 2015 lors d'une conférence TED, intitulée « Do we see reality as it is? », dont la vidéo a été visionnée plus de 5 millions de fois sur YouTube.
https://www.youtube.com/watch?v=oYp5XuGYqqY
Les travaux de l'équipe d'Hoffman reposent sur des simulations de scénario d'évolution de différents organismes placés dans des environnements variés. Ils permettraient, selon le chercheur, de démontrer que si les humains sont encore sur Terre aujourd'hui, c'est justement parce qu'ils ne perçoivent pas la réalité: « Dans presque toutes les simulations, les organismes qui ne voient pas la réalité telle qu'elle est vraiment [...] poussent à l'extinction ceux qui voient la réalité telle qu'elle est », explique-t-il dans sa présentation TED.
Pour développer son argumentaire, le chercheur utilise une analogie qui parlera à tout le monde ou presque: le bureau d'un ordinateur. Celui-ci est une interface dont le but est de nous permettre d'utiliser l'outil, en nous cachant justement tout ce qui se passe derrière, que ce soit dans le software ou le hardware de l'ordinateur. « Regardez l'icône d'un texte de TED sur lequel vous travaillez. L'icône est bleue et rectangulaire et située en bas à droite de votre écran. Cela signifie-t-il que le document est lui aussi bleu, rectangulaire et en bas à droite de l'écran? Bien sûr que non », illustre Donald Hoffman dans sa conférence. On ne veut rien savoir de toutes ces diodes, et résistances et megabytes du logiciel. S'il fallait gérer tout cela, on ne pourrait jamais écrire un texte ou imprimer une photo. L'idée est que l'évolution nous a dotés d'une interface qui cache la réalité et guide nos comportements. L'espace et le temps, tels que vous les percevez, sont votre interface. Les objets physiques ne sont que des icônes sur votre bureau. »
Terre plate
Et il est vrai que la couleur par exemple n'est pas une propriété du monde physique mais bel et bien une perception. Les objets réfléchissent la lumière à des longueurs d'onde différentes que nous interprétons comme une couleur. Difficile cependant de démontrer que la théorie d'Hoffman, si séduisante et intrigante soit-elle, est tout à fait pertinente. Mais peut-être n'est-ce qu'une question de temps? Comme le fait remarquer à plusieurs reprises le scientifique dans sa conférence - comme pour anticiper les critiques -, nous avons longtemps cru que la Terre était plate « parce que c'est comme cela que nous la voyions ». Peut être aurons-nous donc un jour les outils et les connaissances nécessaires pour enfin comprendre que les soeurs Wachowski n'ont pas créé une oeuvre de science-fiction mais fait, avant tout le monde, l'expérience de la réalité telle qu'elle est vraiment.
LES CERVEAUX ET LES NEURONES NE SUSCITENT AUCUNE DE NOS EXPÉRIENCES SENSORIELLES
DONALD HOFFMAN, PROFESSEUR DE SCIENCES COGNITIVES À L'UNIVERSITÉ DE CALIFORNIE
SI LES HUMAINS SONT ENCORE SUR TERRE AUJOURD'HUI, CE SERAIT JUSTEMENT PARCE QU'ILS NE PERÇOIVENT PAS LA RÉALITÉ
Si vous avez l'impression de vivre dans une simulation informatique du type Matrix, il se peut que vous soyez sur la bonne voie.
C'est ce qu'affirme Melvin Vopson, professeur agrégé de physique à l'université de Portsmouth.
Notre vie contient plusieurs indices qui suggèrent que nous ne sommes que des personnages dans un monde virtuel avancé, affirme-t-il - et il prévoit une expérience pour le prouver.
Par exemple, le fait qu'il y ait des limites à la vitesse de déplacement de la lumière et du son suggère qu'elles pourraient être régies par la vitesse du processeur d'un ordinateur, selon l'expert.
Selon lui, les lois de la physique qui régissent l'univers s'apparentent également à un code informatique, tandis que les particules élémentaires qui composent la matière sont comme des pixels.
L'argument de la simulation avancé par Bostrom suggère que nous vivons peut-être à l'intérieur d'une simulation informatique sophistiquée. Si les civilisations post-humaines ont finalement la capacité et le désir de générer de telles simulations à la Bostrom, alors le nombre de réalités simulées dépasserait largement la seule réalité de base, indiquant ostensiblement une forte probabilité que nous ne vivions pas dans cette réalité de base. Dans ce travail, nous soutenons que, puisque l'hypothèse selon laquelle de telles simulations sont techniquement possibles n'est pas prouvée, les calculs statistiques doivent prendre en compte non seulement le nombre d'espaces d'état, mais aussi l'incertitude intrinsèque du modèle. Cela est possible grâce à un traitement bayésien du problème, qui est présenté ici.
En utilisant la moyenne des modèles bayésiens, il est démontré que la probabilité que nous soyons des sims est en fait inférieure à 50 %, tendant vers cette valeur dans la limite d'un nombre infini de simulations. Ce résultat est globalement indifférent, que l'on tienne compte du fait que l'humanité n'a pas encore donné naissance à de telles simulations ou que l'on n'en tienne pas compte. Comme on l'a vu ailleurs, si l'humanité commençait à produire de telles simulations, cela changerait radicalement les probabilités et rendrait très probable le fait que nous soyons en fait des simulateurs.
Je soutiens qu'au moins l'une des propositions suivantes est vraie : (1) l'espèce humaine est très susceptible de s'éteindre avant d'atteindre un stade "posthumain" ; (2) toute civilisation posthumaine est extrêmement peu susceptible d'effectuer un nombre important de simulations de son histoire évolutive (ou de ses variations) ; (3) il est presque certain que nous vivons dans une simulation informatique. Il s'ensuit que la croyance selon laquelle il existe une chance significative que nous devenions un jour des posthumains qui effectuent des simulations de leurs ancêtres est fausse, à moins que nous ne vivions actuellement dans une simulation. Je discute de certaines conséquences de ce résultat.
Un physicien dénommé Hong Quin, qui travaille au laboratoire de physique des plasmas de Princeton (PPPL) du département américain de l’Energie (DOE) vient de concevoir un algorithme informatique défiant les lois de la physique.
Le physicien a conçu cet algorithme afin de prédire les orbites planétaires dans le système solaire. Pour ce faire, le scientifique a inculqué à l’algorithme les données des orbites de Mercure, de Vénus, de la terre, de Mars, de Cérès et de Jupiter. A noter que l’invention de Hong Quin incorpore l’apprentissage automatique (machine learning). Il s’agit d’un processus d’IA qui permet à la machine de mettre automatiquement à jour ses connaissances, au fil de sa propre expérience.
A partir des données qui lui ont été donné, l’algorithme a pu correctement prédire d’autres orbites planétaires dans le système solaire, dont des orbites paraboliques et hyperboliques. Mais le plus surprenant, c’est que l’algorithme n’a appris à aucun moment les lois du mouvement de Newton ni de la gravitation universelle. Il semblerait même, selon Big Think, qu’il les ait compris de lui-même.