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Science et Vie (site web)
mercredi 25 octobre 2023 - 20:08:56 1087 mots
Une loi « manquante » de la nature expliquerait l'évolution de tout ce qui existe dans l'univers !
Laurie Henry
Des chercheurs ont identifié une loi universelle d'évolution s'appliquant non seulement à la vie, mais aussi à des entités comme les minéraux et les étoiles.
Cette découverte, fruit d'une collaboration interdisciplinaire, suggère que des systèmes variés, vivants ou non, évoluent vers une complexité accrue. Cette loi pourrait influencer notre approche de la recherche extraterrestre et élargir notre perspective sur les mécanismes régissant l'univers.
L'évolution, concept central des sciences biologiques, a toujours été associée à la vie sur Terre. Récemment des chercheurs ont proposé une nouvelle loi de la Nature. Cette loi « manquante » expliquerait l'évolution de la vie, des minéraux, des planètes, des étoiles. En d'autres termes, elles s'appliqueraient à tout dans l'univers, en identifiant des « concepts universels de sélection » qui poussent les systèmes à évoluer, qu'ils soient vivants ou non. Elle traite de la tendance des systèmes naturels de l'univers à devenir de plus en plus complexes avec le temps. Cette perspective, issue d'une collaboration internationale et publiée dans la revue PNAS , remet en question nos connaissances actuelles et ouvre la voie à une nouvelle compréhension des dynamiques universelles, avec des implications potentielles pour la recherche de la vie extraterrestre et notre vision de l'univers.
Une collaboration interdisciplinaire pour appréhender la nature
Avant de se pencher sur la loi elle-même, il est important de noter qu'elle est le résultat d'une synergie des domaines scientifiques. Cette dernière est un point crucial dans la récente découverte sur l'évolution. Combinant rigueur analytique des scientifiques et réflexion conceptuelle des philosophes, l'équipe a pu aborder le sujet sous un angle unique. Elle était composée de trois philosophes, de deux astrobiologistes, d'un physicien théorique, d'un minéralogiste et d'un data scientist. Ensemble, ils ont conceptualisé « la loi de l'augmentation de l'information fonctionnelle ».
Co-auteur, Jonathan Lunine, de l'Institut Carl Sagan et du Collège des arts et des sciences de Cornell souligne cette coopération. « Il s'agissait d'une véritable collaboration entre scientifiques et philosophes pour aborder l'un des mystères les plus profonds du cosmos : pourquoi les systèmes complexes, y compris la vie, évoluent-ils vers de plus grandes informations fonctionnelles au fil du temps ? ». Effectivement, l'univers est rempli de systèmes évolutifs complexes, mais les lois physiques macroscopiques existantes ne semblent pas les décrire adéquatement.
La nouvelle loi de la nature « manquante »
La « loi de l'augmentation de l'information fonctionnelle » propose une vision renouvelée de l'évolution des systèmes. Au cœur de cette loi se trouve l'idée qu'un système peut présenter une multitude de configurations possibles. Ces dernières sont soumises à une forme de sélection basée sur leur fonctionnalité. De fait le système tendra à évoluer vers des configurations de plus en plus optimisées.
Prenons l'exemple des systèmes composés d'atomes, de molécules ou de cellules. Ces entités peuvent s'assembler de multiples façons, créant une variété de configurations. Chaque configuration a une certaine « fonction » ou utilité, que ce soit en termes de stabilité, d'efficacité énergétique ou autres. Au fil du temps, certaines de ces configurations se révéleront plus avantageuses que d'autres dans un environnement donné. Ces configurations « fonctionnelles » seront donc privilégiées et persisteront, tandis que les autres disparaîtront ou seront moins courantes.
Cette loi offre ainsi un cadre pour comprendre comment et pourquoi certains arrangements de composants deviennent prédominants dans la nature. Que le système soit vivant ou non, lorsqu'une nouvelle configuration fonctionne et s'améliore, une évolution se produit. C'est Darwin appliqué à l'Univers.
La loi universelle de fonctionnalité dans la nature
La théorie de Darwin, centrée sur la biologie, considérait la fonction principalement sous l'angle de la survie. C'est-à-dire la capacité d'un organisme à vivre suffisamment longtemps pour engendrer une descendance. Toutefois, la recherche actuelle propose une vision plus nuancée et étendue de la fonctionnalité. Elle identifie trois fonctions clés dans la nature.
Premièrement, la stabilité est identifiée comme la fonction la plus élémentaire. Des configurations stables, qu'il s'agisse d'atomes ou de molécules, sont naturellement privilégiées pour leur pérennité. Ensuite, les systèmes dynamiques, qui bénéficient d'un flux constant d'énergie, ont également tendance à être favorisés par la nature.
La troisième fonction est la capacité à innover. C'est la propension des systèmes à explorer et adopter de nouvelles configurations. Ces dernières peuvent parfois engendrer des comportements ou des caractéristiques inédits, à l'instar de la photosynthèse.
Cette loi ne se limite pas au domaine biologique. Les premiers minéraux, représentant des configurations atomiques stables, ont jeté les bases des générations ultérieures de minéraux. Ces derniers ont joué un rôle déterminant dans l'apparition de la vie. Ils ont participé à la formation de structures telles que les coquilles, les dents et les os.
En astronomie, l'étude rappelle que les premières étoiles, formées peu après le Big Bang, étaient principalement composées d'hydrogène et d'hélium. Ces étoiles pionnières ont transformé ces éléments en une vingtaine d'éléments chimiques plus lourds. Les générations d'étoiles suivantes ont ensuite utilisé cette diversité élémentaire pour engendrer près d'une centaine d'autres éléments, enrichissant l'univers chimique.
La réaction de la communauté scientifique face à cette loi « manquante » et ses implications
L'émergence de cette loi a suscité de vives réactions au sein de la communauté scientifique. Stuart Kauffman, de l'Université de Pennsylvanie, est connu pour ses travaux sur les origines de la vie et les systèmes complexes. Pour lui, cette loi ne se contente pas d'apporter une contribution significative à la science, selon. Elle a le potentiel de transformer notre compréhension des systèmes évolutifs. Il qualifie l'étude de « superbe, audacieuse, large et transformationnelle ».
Cependant, tout le monde n'est pas aussi enthousiaste. Martin Rees, de l'Université de Cambridge, expert en cosmologie et astrophysique, a exprimé des réserves. Il a souvent été confronté à des théories révolutionnaires et sait combien il est crucial de les aborder avec prudence. Sans rejeter complètement la loi, il reste sceptique quant à son application universelle. Certes la loi peut avoir des implications dans certains domaines. Mais il est encore trop tôt pour déterminer si elle peut s'appliquer à l'ensemble de l'univers et de ses phénomènes.
Néanmoins les auteurs concluent, dans un communiqué , que cette nouvelle loi peut avoir des implications dans la recherche de vie extraterrestre. Les processus évolutifs identifiés ici, conduisant à l'émergence de la vie, ne seraient pas uniques à la Terre. Si les systèmes physiques et chimiques sur d'autres planètes suivent également cette loi d'augmentation de l'information fonctionnelle, alors il est plausible que la vie, sous une forme ou une autre, puisse émerger comme un résultat naturel de ces processus évolutifs.
Source : Michael L. Wong et al., “ On the roles of function and selection in evolving systems ”, PNAS,2023, 120 (43) e2310223120