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Beaucoup d’interrogations demeurent sur les origines du SARS-CoV-2, deux ans et demi après le début de la pandémie. Les experts de l'OMS viennent de remettre un nouveau rapport : ils estiment que toutes les hypothèses doivent être étudiées, y compris celle d'une fuite d'un laboratoire.
Avec Étienne Decroly, virologue spécialiste du VIH. Directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire Architecture et Fonction des Macromolécules Biologiques (AFMB) de l’Université d’Aix-Marseille
L’origine du SARS-CoV-2 reste une énigme. Deux ans et demi après le début de la pandémie, l’OMS a rendu il y a quelques jours un nouveau rapport, dans lequel l'hypothèse d'un accident de laboratoire n’est plus exclue. Selon les experts, cette piste nécessite "des investigations supplémentaires". Dans le même temps, l’influent économiste américain Jeffrey Sachs a demandé une enquête approfondie sur l’origine du virus, aux Etats-Unis et non en Chine. Pourquoi ? En un mot, toutes les hypothèses doivent encore être mises sur la table.
Guillaume Erner reçoit Etienne Decroly, virologue, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire Architecture et Fonction des Macromolécules Biologiques (AFMB) de l’Université d’Aix-Marseille.
Vous pouvez écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.
Le parent du virus, encore introuvable aujourd’hui
Etienne Decroly explique que ce dont on est certain aujourd'hui sur l'origine du Sars cov 2, c'est que : "il y a des virus cousins éloignés qui circulent dans les populations de chauves souris, en particulier en Chine, dans les provinces au Sud de la ville Wuhan. Par contre, ces virus sont génétiquement assez éloignés du SarsCov2 et ne sont pas les parents directs". Le réservoir, la famille de virus, est clairement identifié, par contre "ce qui nous manque, ce sont les éléments qui sous-tendent la transmission et l'évolution de ces virus du réservoir jusque dans les populations humaines".
Le parent du virus existe mais où existe-t-il et quelles sont les chaînes de transmission ? Etienne Decroly rappelle qu’il n’a toujours pas été trouvé. “La question c’est de savoir où il existe et quelles sont les chaînes de transmission qui ont conduit le parent à se retrouver dans une population humaine. L'hypothèse préliminaire était que c'était une zoonose (on sait que les franchissements de barrière d'espèces se font par des hôtes intermédiaires en général) et que le virus, de proche en proche s'adapte pour devenir infectieux dans une nouvelle espèce. Donc ce qu'on s'attend à retrouver dans un virus d'origine naturelle c'est, quelque part, dans un hôte intermédiaire, un virus qui est le virus qui a généré l'épidémie."
Or plus de deux ans après, malgré un échantillonnage très important, ce virus (parent) n'a pas été trouvé à ce jour. Etienne Decroly revient sur l'hypothèse un temps avancée du pangolin : "Le pangolin a été exclu il y a plus d'un an et demi mais c'est un hôte du type pangolin qu'on cherche pour trouver ce virus parent, dans un animal, par exemple, vendu sur le marché de Wuhan... on cherche un virus génétiquement très proche du Sars cov 2 et malheureusement, il y a eu plus de 120 000 échantillons prélevés pour essayer de trouver ce progéniteur, ce parent de l'épidémie et aujourd'hui, ces échantillonnages n'ont pas abouti à trouver le virus à l'origine de l'épidémie."
La possibilité d’un accident de laboratoire ne peut être totalement exclue
Dans son nouveau rapport, l'OMS explique qu'il faut aussi étudier cette hypothèse - au même titre que les autres. Pourquoi ?
Etienne Decroly indique que les laboratoires de la ville de Wuhan travaillent sur les coronavirus afin de comprendre les mécanismes de franchissement de la barrière des espèces. “Leur travail consistait à collecter dans la nature des virus naturels de manière à les séquencer, parfois d’arriver à les cultiver et éventuellement les étudier dans des systèmes cellulaires ou dans des animaux modèles. Ceci est fait pour comprendre comment ces virus sont capables de franchir la barrière d’espèces et donc capables de devenir infectieux dans une autre espèce, comme l'espèce humaine."
Selon Etienne Decroly, l'hypothèse de l'origine du virus provenant d'un laboratoire suppose un possible accident lors d'une de ces expériences. "Un expérimentateur aurait pu être infecté ou des effluents du laboratoires auraient pu être contaminés par ce virus, avec un retour accidentel dans les populations humaines à partir du laboratoire."
"Des accidents de laboratoires existent, ils sont rares, mais se sont déjà produits et des accidents ont déjà été répertoriés", rappelle Etienne Decroly.
L’hypothèse de l’économiste Jeffrey Sachs
Etienne Decroly revient sur l'hypothèse avancée par Jeffrey Sachs. L'économiste américain a rappelé ceci, comme le raconte Etienne Decroly : "Une association caritative appelée EcoHealth Alliance financée en grande partie par le gouvernement américain, avait pour objectif de mener des expériences de collectes de virus et des expériences pour comprendre le franchissement de la barrière d'espèces. Cette association a été financée par l'Etat américain pour réaliser des expériences en partie aux Etats-Unis et en partie dans différents laboratoires du monde, dont celui de Wuhan. L’hypothèse est que certains des travaux financés par cette association auraient pu éventuellement conduire à la collecte d’échantillons en Chine. Ce qui aurait pu conduire par exemple à l’émergence du SARS-CoV-2 ou à des expériences sur ces virus qui ont été faites, peut-être certaines aux Etats-Unis, mais principalement en Chine. Ces expériences auraient pu conduire à l’obtention dans un laboratoire du virus parent de l’épidémie.”
Un accident de laboratoire en Chine est probablement à l'origine du Covid-19 selon le ministère américain de l'Énergie.
Les médias relèvent toutefois que cette nouvelle analyse est publiée "avec un faible niveau de confiance".
La Chine s'est estimée "salie" par ces nouvelles accusations américaines.
L'hypothèse selon laquelle la pandémie de Covid-19 aurait fuité d'un laboratoire de Wuhan refait surface. De nouveaux éléments de renseignement révélés dimanche par le Wall Street Journal, le New York Times et CNN, auraient en effet permis au ministère américain de l'Énergie de faire basculer son analyse en faveur d'un accident de laboratoire en Chine.
Dès lundi, Pékin a vigoureusement contesté ces nouvelles accusations. "Il convient de cesser d'agiter cette théorie d'une fuite de laboratoire, d'arrêter de salir la Chine et d'arrêter de politiser la recherche des origines du virus", a affirmé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Mao Ning, lors d'un point de presse régulier. "Des experts de la Chine et de l'OMS, sur la base de visites sur le terrain dans des laboratoires de Wuhan et d'échanges approfondis avec des chercheurs, ont établi la conclusion, qui fait autorité, selon laquelle l'option d'une fuite d'un laboratoire est hautement improbable", a-t-il insisté.
"Aucune réponse définitive"
Les médias américains, qui citent des sources anonymes, insistent cependant sur le fait que cette nouvelle analyse est publiée "avec un faible niveau de confiance" par le ministère, qui chapeaute des laboratoires de biologie.
WASHINGTON - Le département de l'énergie des États-Unis a conclu que la pandémie de Covid a très probablement été provoquée par une fuite de laboratoire, selon un rapport de renseignement classifié récemment fourni à la Maison Blanche et aux principaux membres du Congrès.
Le changement de cap du Département de l'énergie, qui était auparavant indécis sur la façon dont le virus a émergé, est noté dans une mise à jour d'un document de 2021 par le bureau de la directrice du renseignement national Avril Haines.