Obélix et le capitalisme
Ayant un peu de temps, j'en ai profité pour relire quelques BD et notamment les aventures d'Astrérix. Je suis agréablement tombé sur l'album Obélix et compagnie, que j'ai re-découvert sous un angle totalement différent de la dernière fois que je l'ai lu. J'y ai découvert une histoire qui est une critique du capitalisme.
Pour ceux qui n'aurait pas lu (horreur!) ou relu cette BD dernièrement, voici un résumé de l'histoire.
La domination par la décadence
Après de multiples défaites, César tente toujours de trouver un moyen de conquérir enfin ce petit village gaulois d'Armorique qui résiste encore et toujours à l'envahisseur.
Cette fois, il est conseillé par Caius Saugrenus un petit jeune qui sort de l'NEA, La Nouvelle Ecole d'Affranchis... Ce personnage a une ressemblance troublante avec Jacques Chirac, qui était, à l'époque de la sortie de cet album (1976), premier ministre de la France....
Caius Saugrenus déclare que si les gaulois n'ont rien d'autre à faire que de se battre, il faut les occuper. Il faut les tenter par l'appât du gain et l'or pour les transformer en décadents !
César constatant l'état décadent de tous ses riches conseillers est emballé par l'idée et donne des crédits illimités à Caius Saugrenus pour réaliser son projet.
L'appât du gain, l'envie de reconnaissance
Le plan de Saugrenus est simple, il propose à Obélix de lui acheter ses menhirs en échange de beaucoup de sesterces. Le prix double à chaque livraison. Pour qu'Obélix accepte, il lui dit: Mais oui ! C'est intéressant d'avoir de l'argent. Tu peux acheter des tas de choses à manger... Tu seras l'homme le plus riche de ton village et donc le plus important.
Obélix accepte.
Le travail, organisation sociale
Obélix va donc passer tout son temps à tailler des menhirs pour tenter de combler la demande de Caius Saugrenus. Il passe tellement de temps dans sa carrière de menhir qu'il n'a plus le temps de faire autre chose. Comme il le dit lui même à Astérix qui lui proposer d'aller à la chasse: J'ai du travail! J'ai un menhir à faire ! Je n'ai pas le temps de rigoler, moi!
Obélix n'a donc plus le temps de chasser. Ce qui pose tout de même un problème. Lui qui aime tellement manger du sanglier il n'en a pas !
Mais comme Obélix est riche de plein de sesterces, il paye Analgésix, un autre villageois pour aller chasser à sa place.
Au file du temps, Caius Saugrenus augmente toujours plus la demande, ce qui pousse Obélix a engager plusieurs tailleurs de menhirs et plusieurs chasseurs pour nourrir les tailleurs.
La concurrence isole
Puis Caius Saugrenus affine sa stratégie. Il suggère à Obélix qu'étant devenu un riche chef d'entreprise, il ne porte pas des habits dignes de son rang. Obélix va donc refaire sa garde robe et montrer ainsi à tous le village son nouveau statut.
Le statut de nouveau riche d'Obélix va engendrer beaucoup de jalousie dans le village et pousser de nombreux hommes du village à se lancer dans la taille de menhir pour gagner plein de sesterces.
La concurrence ainsi générée isole les uns des autres les anciens amis. Le plan de Saugrenus fonctionne à merveille. Les gaulois ne sont plus unis et ils n'ont plus le temps de penser à se battre.
La surproduction mène au marketing
Le plan de Saugrenus fonctionne à merveille, mais très vite il est submergé de menhir. César n'est pas très content.
Saugrenus lui propose alors de vendre les menhirs. César lui rétorque Qui voudra des ces menhirs ? Ils ne servent à rien !
Caius Saugrenus décide alors de lancer une campagne de marketing ! Il faut provoquer le besoin chez le consommateur.
Il explique que les gens achète:
- Ce qui est utile
- Ce qui est confortable
- Ce qui est amusant
- Ce qui rend jaloux les voisins
C'est ce dernier créneau qui nous intéresse!
Une grande campagne de pub est donc lancée. Les murs de Rome sont placardés d'affiches, des publicités pro menhir sont faites durant les jeux du cirque.
Puis les produits dérivés arrivent. Des toges, des cadrans solaires, des bijoux, le kit marteau burin pour faire son menhir soi même.
Le menhir, à la base objet inutile, devient un objet convoité de tous dans le monde romain.
Règlementation du commerce et protectionnisme
Voyant le succès du menhir d'armorique, les romains eux aussi se lancent dans le taille et la vente de menhirs. Ce qui commence à causer de grave problème à Jules César. Il tente le protectionnisme. Il doit lutter contre la baisse des prix du menhir romain qui l'empêche de liquider ses menhirs gaulois acheté à prix d'or ! Mais là il est confronté aux manifestations des travailleurs romains qui bloquent la via Apia !
La crise
Pour limiter la casse, César décide de tout arrêter. Il renvoie Caius Saugrenus en Armorique pour annoncer aux gaulois que Rome ne veut plus de menhir. En chemin sur la route on aperçois un cimetière de menhir !
La crise est là chez les gaulois. Plus aucun menhir ne se vend. Il sont prêt à se faire la guerre entre eux. Mais sur les sages paroles d'Astérix ils vont plutôt taper sur les romains: Tout est arrivé à cause d'eux, finalement !
La vie du village reprend son cours, l'album se termine par le traditionnel banquet et Rome est au bord de la faillite suite à une dévaluation du sesterce due à la crise !
Analyse
Je trouve que cette histoire illustre très bien l'absurdité du système capitaliste.
Motivation, besoin de reconnaissance
Tout d'abord, comment débute l'histoire ? Comment Obélix se fait il avoir par Saugrenus pour se lancer dans le capitalisme ?
Il se lance dans le capitalisme par ce que Saugrenus lui dit: Mais oui ! C'est intéressant d'avoir de l'argent. Tu peux acheter des tas de choses à manger... Tu seras l'homme le plus riche de ton village et donc le plus important.
Obélix avait déjà suffisamment de choses à manger. Il n'a donc pas besoin d'argent. Mais le fait de lier homme le plus riche avec homme le plus important est un argument qui a fait mouche.
On remarque donc ici, que c'est le besoin de reconnaissance qui a motivé Obélix. Ceci est vrai pour Obélix, mais c'est également vrai pour la plupart d'entre nous.
Le besoin de reconnaissance est un des moteurs de notre existence.
Ici Saugrenus associe la possession de sesterces à cette reconnaissance. Mais l'argent n'est pas l'unique moyen d'avoir la reconnaissance de ses pairs. C'est là le piège qui nous est tendu.
Le travail prend du temps
Un autre point qu'il me semble important de signaler, c'est que travailler ça prend du temps. Obélix remarque rapidement que pour gagner de l'argent, il doit travailler plus. Si il travaille plus, il ne peut plus aller chercher à manger tout seul. Il engage donc des chasseurs. C'est finalement toute la société qui est organisée autour de ce travail de cette production dans l'unique but de gagner de l'argent.
C'est le principe de base de l'invention de la monnaie métallique: rendre la monnaie indispensable (en l'imposant par l'impôt) et ainsi permettre à celui qui crée la monnaie de vivre sur le dos des autres... Les gens sont obligé des se spécialiser pour être plus efficace. C'est l'invention de l'économie de marché.
Le travail ça prend du temps. Beaucoup de gens se plaignent de n'avoir jamais le temps de faire telle ou telle chose par ce qu'il faut toujours travailler plus... C'est une réalité. Nous sommes enfermé dans une spirale infernale qui nous bouffe notre temps.
Petit exemple actuel d'une famille qui a plusieurs enfants. Monsieur travaille pour subvenir aux besoins de sa famille, madame s'occupe des enfants.
Puis les enfants deviennent grands, ils ont plus de besoins qui coutent cher. Madame recommence à travailler pour gagner plus d'argent. Mais comme elle n'est pas à la maison, elle engage une babysitter pour s'occuper des enfants quand elle n'est pas là.
Puis pour payer la babysitter elle change de travail pour un travail un peu plus loin mais qui paye mieux. Mais voilà que comme son travail est plus loin elle doit maintenant acheter une voiture. Puis le revenu des deux conjoints a augmenté, ils changent de catégorie de revenus et payent plus d'impôts !
Pour se serrer la ceinture, on décide de réduire les couts de nourriture. On achète de la nourriture bon marché de moins bonne qualité.
Bilan: Madame travaille plus, elle voit moins ses enfants, elle paye plus d'impôt, elle passe du temps dans les embouteillages à polluer, elle a moins d'argent qu'avant et donc tout le monde mange sur le pouce des aliments de moins bonne qualité !
Il faudra me dire à quoi ça sert de travailler plus pour gagner plus d'argent !?!
Il me semble que la véritable seule richesse que l'on a, c'est du temps. Alors ne gâchons pas notre temps pour faire tourner un système stupide. Utilisons notre temps pour des activités qui nous intéresse.
la concurrence
Un bon filons, ça attire tout le monde! Obélix n'est pas longtemps tout seul à tailler des menhirs. Très vite, d'autres veulent aussi obtenir le niveau social d'Obélix et donc se lancent dans la taille de menhir.
Cette concurrence transforme vite l'ambiance paisible du village en une ambiance tendue. Les valeurs de camaraderie et de rigolade sont remplacées par des valeurs de rendement, vitesse et profit. La jalousie règne.
Un des sacro-saints principes du libéralisme c'est la concurrence. Mais est ce que la concurrence est vraiment un bon principe ?
Je ne suis pas certain que l'idée de vouloir à tout prix une concurrence dans le domaine de la téléphonie mobile ai été une réussite. Ainsi avec 3 opérateurs ont a 3 fois plus d'antennes de téléphonie pour la même couverture !
La concurrence est bien souvent inutile. En Suède, au lieu de se concurrencer, les fournisseurs d'accès internet se sont mis à collaborer. Ils ont construit ensemble un superbe réseau de fibre optique pour accéder à chaque maison. Ainsi même les iles les plus reculées du reste du monde ont une excellente connexion réseau.
Avec la collaboration tout le monde est gagnant. Cessons de se concurrencer, apprenons à collaborer. Ensemble nous sommes plus fort.
le marketing
Une fois Jules César envahi par les menhir, il faut trouver quoi faire avec cet objet inutile ! Comment faire pour vendre de l'inutile, il faut faire une campagne de marketing.
Comme le dit Caius Saugrenus: Il faut provoquer le besoin chez le consommateur.
Ainsi le système capitaliste doit pousser le plus loin possible son absurdité de base. Comme il faut pouvoir vendre à tout prix. Il faut que les gens achètent à tout prix, que l'objet qu'on leur vend soit utile ou non.
Pour ça, on s'appuie sur la psychologie humaine. Le capitalisme se répand grâce à la jalousie, à l'envie et au besoin de reconnaissance des autres. (cette fois-ci plus en fonction de sa richesse en argent, mais de sa richesse en objet)
Les voisins ont un menhir si l'on ne veut pas passer pour un con, il nous faut un menhir. C'est la mode!
C'est ainsi qu'une foule de produit dérivés débarquent sur le marché. Puis toute une foule de services complémentaires, la publicité, les outils de communication et de transport. On industrialise la production de nourriture, vu qu'il y a moins de monde disponible pour s'occuper des champs, il faut améliorer le rendement.
Toute la société vit sur cette absurdité de vouloir absolument un menhir !
Dans cette album des aventures d'Astérix c'est le menhir qui est le héros de l'histoire. Mais dans notre réalité, on peut trouver beaucoup d'exemples d'objets inutiles qui font tourner le système et qui génèrent avec eux tout un système de services et besoins qui tourne autour.
Pour ne prendre qu'un exemple, l'horlogerie en est un bon. Nous n'avons pas vraiment besoin de savoir l'heure qu'il est. Mais la montre est aussi un objet de luxe qui montre sa position sociale. Ainsi tout le monde en a une. Toute une industrie de l'horlogerie se crée. Il faut des moyens de communication et de transport pour acheminer les montres. Pour synchroniser tous ces moyens de transports, de communication et de production, il faut des horaires, et donc il faut des montres ! Le système s'auto-alimente.
Les ressources naturelles
Il y a un point qui n'est pas traité dans cette BD, c'est le problème des ressources naturelles. Comment Obélix et ses voisins ont ils pu inonder le marché romain de menhirs en les taillant tous dans les deux trois rochers qui jouxtent leur village ?!?
Cette gigantesque construction sociale qu'a conçue le capitalisme repose sur la production de biens. Pour produire ces biens, on exploite des ressources naturelles. Notre terre elle-même. Mais ce que l'on a tendance a oublier, c'est que ces ressources ne sont pas infinies. Elles sont limitées.
Le système capitaliste est une véritable machine à transformer des ressources naturelles en déchets. Des ressources inutilisables. Le PIB est la mesure de la vitesse à laquelle tourne cette machine.
Dans la bande dessinée, on voit, au bord d'une route, un cimetière de menhirs. C'est bel et bien une décharge.
C'est ça la finalité du capitalisme. Le système s'arrêtera de lui même lorsque toutes les ressources naturelles auront été transformées en déchets. Mais là, le système ne sera pas le seul à disparaitre !
Conclusions
Conclusions est ce que nous avons toujours envie de favoriser un système qui nous bouffe notre temps? qui remplace des valeurs de solidarités et de collaboration par des valeurs d'individualisme et de concurrence ? qui nous pousse a transformer nos ressources naturelles en déchets ?
Est ce que c'est vraiment ça que nous voulons ?
Moi pas. Alors sortons du capitalisme !
Pour plus d'infos sur les méfaits du capitalisme je recommande le livre Pour sauver la planète, sortez du capitalisme. De Hervé Kempf.
Que faire pour sortir du capitalisme ?
Il suffit déjà de regarder tous les objets autour de soi et de se demander si l'on en a vraiment besoin. Si par hasard je ne suis pas entouré de menhirs inutiles ?