Mon avis sur Frédéric Lordon, le revenu universel et le salaire à vie de Bernard Friot

Il m'a arrive régulièrement de recevoir des e-mails de la part de gentils lecteurs qui me posent des questions ou me demandent mon avis.

J'ai reçu une fois le contenu suivant par e-mail...

Un gentil lecteur m'écrit :

Bonjour 🙂

je te vois parler de holacratie :
https://martouf.ch/2016/12/notes-resume-du-livre-reinventing-organizations-de-frederic-laloux/

connais tu Frédéric Lordon ?
que penses tu de ce qu'il dit ?

à propos, puisque Lordon aborde le sujet, voici à mon avis les 2 meilleures vidéos (ex-aequo) sur le sujet du revenu universel :

je pense que tu n'apprendras rien dans la 1ère, mais je suis curieux de savoir ce que tu penses de la 2ème 🙂

et à cette occasion je suis retombé sur une vieille vidéo qui à mon avis n'a pas vieilli 😉

Je fais quoi avec une telle demande ?

Là comme tu peux le voir c'est des petites question anodines, avec quelques liens vers des vidéos... plus où moins longues... donc si je veux répondre il faut déjà que je regarde 4h de vidéo... que je comprennent bien. Que je me fasse un avis, puis que je l'écrive, que je structure tout ça.. et que je réponde par e-mail.....

Tout ça.. gracieusement !! .. c'est beau le courrier des lecteurs !

.. et ce n'était que la première partie de ce e-mail !!! Le même lecteur m'a aussi posé une autres question.. tu penses quoi de.... sans plus d'explication... et rebelote... 4h de vidéo en plus... etc.. etc....

Donc pour rentabiliser un peu, j'ai décider de publier ma réflexion. Ainsi c'est pas perdu pour tout le monde.

Ma réponse à ce gentil lecteur

Est-ce que je connais Frédéric Lordon et ses propos ?

J'ai déjà entendu quelques propos de Frédéric Lordon.
Usul avait fait un bon résumé de ses propos dans cette vidéo...


Lordon explique tout en terme compliqué pour des choses simples.

Par exemple dans ses bouquins il parle de "l'angle alpha".

C'est la différence entre son aspiration personnelle est l'aspiration de son patron.

Lordon a la même vision du monde que Spinoza. Il est structuraliste.

Il pense que ce sont les structures externes, le cadre qui conditionne les humains.

Le cadre le plus courant pour un travailleur, c'est l'entreprise, et l'entrepris est cadrée par l'économie en général.

Il dit que le capitalisme est une structure. Que cette structure agit par affect et désir.

Lordon cherche à changer ce cadre pour changer la condition humaine. Il est du même avis que les marxistes. Il parle souvent de l'aliénation des travailleurs.

Il adopte l'idéal marxiste "le salut du travailleur passe par le propriété des moyens de production en mains des travailleurs".

L'avis de Lordon sur l'Holacratie

A propos d'holacratie. Il dit que ça ne marche que par beau temps. "Allez voir quand les actionnaires n'en veulent plus".

Et là je ne peux que le rejoindre. C'est pour cette raison que Frédéric Laloux, dans son bouquin réinventing Organization appuie bien sur les conditions nécessaires pour fonctionner avec holacratie, sollicitation d'avis, auto-organisation, etc....

La condition première est d'avoir un propriétaire qui a une vision du monde dans laquelle il est normal de fonctionner ainsi. Si ce n'est pas le cas, il dit que ça en vaut pas la peine de tenter de réformer la structure.

Il décrit très bien le cas de AES. Pendant 30 ans la société a très très bien fonctionné par sollicitation d'avis. Les deux directeurs fondateurs avaient tout construit ainsi.

Puis le conseil d'administration était en majorité acquis, mais avec des résistances....  

Puis avec le scandale d'Enron au début des années 2000, toutes les entreprises du domaine énergétique on vu leur cotation boursière chuter.... AES compris, même si ça n'avait rien à voir !!!

Cette chute a fait très peur au conseil d'administration qui s'est renforcé en membres très sceptiques sur la sollicitation d'avis (alors que ça n'avait rien à voir !) ..... et là le conseil d'administration a pris le pouvoir et décidé de réformer l'entreprise.

Les deux fondateurs sont partis. Ils n'ont pas accepté de travailler dans un cadre "plus classique".

Donc en effet, là on voit qu'il est totalement nécessaire que ce genre de fonctionnement viennent des gens qui ont le pouvoir. "Les propriétaires des moyens de productions".

Dans le bouquin de Laloux: C'est le cas de FAVI en France qui appartient a une famille qui semble ouverte à ces pratiques. C'est le cas de Morning star qui appartient entièrement à son fondateur etc....

Et c'est aussi le cas chez ecodev, l'entreprise dont je suis co-propriétaire avec mes 7 associées. Nous fonctionnons passablement par sollicitation d'avis.

Personnellement, comme je le mentionne souvent, j'aime beaucoup le modèle de la spirale dynamique. Je trouve qu'il y a différentes visions du monde qui existent et de chacune de celle-ci découle une manière de s'organiser.

Pour le détail je te propose de lire mon article à propos de la spirale dynamique....

Je viens de compléter cet article par des vidéos. La seconde en fin d'article décrit très bien les organisations issues des différentes vision du monde:

Visions du mondes les plus courantes de nos jour

Voici les visions du monde les plus courantes de nos jours:

Vision du monde: bleue (ou ambre selon Laloux)

C'est la vision du monde "conformiste". Il faut faire selon les lois, les règles, le livre pour accéder à un idéal...

les organisations issues de cette vision du monde sont des administrations.

Il y a des grades, des classes. Actuellement il reste les administrations publiques et leur classes de salaires. Les fonctionnaires, l'armée, l'église catholique et certaines écoles.

Vision du monde orange

La vision "rationnelle". La plus adaptée au capitalisme, à la raison, à la science. Tout est rationnel, l'émotionnel, l'humain n'a pas sa place.

Tout fonctionne comme une mécanique. Tout est basé sur des objectifs à atteindre peu importe les moyens. (alors que dans la vision bleue, il y a un règlement qui décrit "comment faire")

"L'entreprise" est issue de la vision du monde orange.

Vision du monde verte

La vision du monde égalitaire.

C'est la vision du monde des ONG et associations, des gens qui sont pour abolir toute hiérarchie.

Vision du monde jaune

La vision du monde systémique. Ce sont des réseaux. Les gens à cette vision du monde comprennent le fonctionnement du monde en systèmes et sont souvent dans une vision du monde pessimiste qui voit les effondrements partout... effondrement écologique, effondrement financier....

Vision du monde turquoise/opale:

C'est la vision du monde holistique. Ce sont les gens issus de cette vision du monde qui sont vraiment capables de comprendre un fonctionnement avec des systèmes comme la sollicitation d'avis et/ou l'holacratie.

C'est à cette vision du monde que l'on tente de trouver ce qui est juste pour soi, pour les autres et pour le monde.

Les organisations issues de cette vision du monde ont une raison d'être et les individus qui composent ses organisations alignent leur propre raison d'être sur celle de l'organisation: l'angle alpha de Lordon est donc nul !

Ici l'organisation n'a pas comme raison d'être uniquement la survie comme c'est le cas de l'entreprise issue de la vision du monde orange.

C'est à cette vision du monde que la notion de revenu de base inconditionnel devient naturel.

Les organisations opales que Laloux a observées ont toutes un fonctionnement au niveau de la rémunération qui n'est pas tout à fait courant dans le monde des entreprises.

Il me semble que Lordon a une vision du monde qui doit être de type "verte". Il est pour l'égalité.

En tout cas ce sont les gens avec des valeurs ancrées dans cette vision du monde qui ont menés les luttes sociales.

Donc il s'inscrit vraiment là dedans. De mon observation les gens qui sont dans cette vision du monde n'aime pas trop le revenu de base / revenu universel.

Ils trouvent que ça ne résout pas la lutte de classe. Que c'est un compromis inacceptable. (C'est ce que j'ai vu personnellement, mais je n'ai pas vu ce discours chez Lordon)

Du coup comme ils n'aiment pas le revenu de base, ils sont plutôt pour le salaire à vie. (Théorisé par Bernard Friot)

Le salaire à vie selon Frédéric Lordon

Quand j'entend Lordon parler du salaire à vie, il utilise l'argumentaire du revenu de base. Il ne dit pas pareil que Friot.

Lordon dit même qu'il pousse peut être un peu plus loin le concept quand il dit que le salaire à vie reconnait le fait d'exister... et que ça implique forcément le faire de produire, car toute personne est productrice..

Friot lui, dit bien qu'il ne reconnait pas l'être. Mais la production!!  

Il est très attaché au mot production.
→ Je vois là des projections d'une pensée de Lordon sur le modèle de Friot... 

Friot ne pense pas comme Lordon.Tout comme Usul a aussi fait des projections du modèle de Friot qui ne sont pas exactement ce qu'en dit Friot !

A ce propos, j'ai déjà fait un article dans lequel je montre la différence entre le revenu de base inconditionnel (revenu universel) et le salaire à vie.

Je m'étais basé sur la vidéo de Usul... et c'était avant que j'aille à une conférence de Friot à Genève, ce qui m'a permis d'éclaircir pas mal de choses...

En fait le projet est beaucoup plus flou et Friot beaucoup moins polarisé et fermé que je ne le pensais !!!

C'est Usul qui a en tête un modèle précis de salaire à vie, mais qui n'existe que chez lui !!!

Comme quoi... il faut se méfier de tout média qui oriente forcément un peu les choses en fonction de ce qu'il a compris et de ce qu'il a envie de transmettre. Aucune source n'est neutre et j'aime bien comprendre l'intention derrière la source pour savoir le message qu'elle tente de véhiculer.

Pour revenir aux propos de Lordon....

Pourquoi utiliser le mot "production" dans une société qui est majoritairement faite de services ?

Est-ce que le mot production s'applique aussi aux soins ? .. "je produis un soin ?" , "Je produit un service à la clientèle" ?

J'ai l'impression que ces gens sont bloqués dans une vision du monde du 19ème siècle !! 

Qu'est-ce que le structuralisme ?

Lordon est un structuraliste. Il parle de structuralisme.

Mais c'est quoi le structuralisme ? Regardons ça...

J'organise régulièrement le Jeu de la monnaie:
https://jeu-de-la-monnaie.org

On expérimente 4 systèmes économiques différents avec 4 jeux.

Donc ça c'est une expérience qui pose à priori que le cadre influence le comportement des individus. C'est du structuralisme. Ça va dans le sens de Lordon.Ça marche relativement bien. On voit des bonnes différences selon le cadre.

Par contre dans le premier jeu. Le cadre est inexistant. Et là on voit mieux les comportements des individus.

Et il y a plusieurs comportements différents. Personnellement, je suis persuadé que le cadre influence les choses. Mais je me refuse à croire que SEUL le cadre est responsable. L'individu est également responsable.

Lordon ose dire que nous n'avons aucun libre arbitre dans ce cadre. Moi je ne suis pas d'accord. Il y a une double influence.

Nous avons toujours le choix. Même quand on est bien cadré. Même si c'est pas facile. Même si il y a une pression sociale énorme.

Il y a très souvent un petit capitaliste en nous. C'est très intéressant de prendre un militant anti-capitaliste et de le mettre dans un autre cadre. Comment il se comporte ? Est-ce que le petit capitaliste en lui émerge ?

Frédéric Bosqué qui est impliqué dans de nombreux projets alternatifs, a raconté une anecdote que j'avais trouvée intéressante.

Dans une coopérative qui voulait court-circuiter les supermarchés capitalistes, il y avait une madame chargée de l'approvisionnement auprès de producteurs, des paysans.

Elle tenait mordicus à négocier le prix des patates au centime près. Elle tenait à faire baisser les prix au maximum. Au mépris même de l'agriculteur qui cultivait les patates.

Frédéric Bosqué à dit qu'il avait du lui signaler "le petit capitaliste en elle" qui finalement ne fait que reproduire le même comportement qu'elle dénonçait chez les autres !

Donc selon moi, les structures de la société ne sont que le reflet de nos propres structures individuelles.

Les structures extérieures sont le reflet de nos peurs et nos aspirations.

Si des individus sont mus par la peur de survivre, par la peur du manque, ils vont créer une entreprise qui va tenter de résoudre leur peur, soit assurer la survie en maximisant les profits pour ne manquer de rien.

Puis entrer en concurrence avec les autres pour accumuler plus que les autres.

Mais si on résout individuellement notre peur de survivre. Si on va vers la confiance en l'abondance. La confiance que la vie nous apportera tout ce don on a besoin. Plus besoin de la concurrence, plus besoin d'accumuler à l'infini... On peut créer des organisations pour une raison d'être précise autre que faire du profit.

Le revenu de base est selon moi un outil de transition pour aider tout le monde à avoir confiance en l'abondance. Ne pas être figé dans la peur du manque. Car il faut bien que tout le monde soit dans la confiance.

Car sinon le groupe des peureux risque de créer une organisation prédatrice chez les autres. Est-ce qu'il seront suffisamment forts pour rester dans la confiance en la vie ?
Il doit y avoir une question de masse critique là dedans !

Mon avis sur la vidéo: "La Justice sociale au XXIe siècle, table ronde autour de Philippe Van Parijs"

C'était un bon débat de fond avec une bonne partie des archétypes classiques du sujet:

Anne Cathrine Menetrey qui nous dit que le revenu de base va permettre de sortir d'un système de croissance économique... (c'est par cette vision du monde que je m'y suis intéressé.. mais actuellement ce n'est plus la mienne)

On peut aussi faire le discours inverse... le revenu de base permet d'assurer que les consommateurs aient assez d'argent pour consommer... et donc assurer la croissance du PIB !!

Myret Zaki fait une tête incroyable quand elle découvre que son voisin, Guy Mettant se dit libéral... pour une économie de marché... etc.... et que tout d'un coup il dit qu'il est aussi favorable au revenu de base ! BAM... ça semble la surprendre ! :p

Marco Salvi se fait huer !!! ... mais ça se comprend il est franchement pas très bon dans ses arguments !!

Il représente les arguments standards face à cette idée: tout le monde va arrêter de travailler...  la solution c'est plutôt faire grandir le gâteau pour mieux le redistribuer.

Il a même sorti les arguments que c'est anti-féministe car on remet les femmes à la maison...  ça c'est une question qui a fait de grand débat au sein du parti socialiste !

En trame de fond, on voit quand même que le théoricien belge Philippe Van Parijs n'est pas sur la même longueur d'onde que les partisans suisses. Lui il est à fond pour une solution progressive, avec un revenu de base dont le montant est faible et peu grandir. Alors que les partisans suisse sont plutôt pour un revenu d'existence. Un revenu suffisant pour vivre sinon c'est pas du tout pareil.

Mon avis sur la vidéo: "Bernard Friot/Baptiste Mylondo : salaire à vie et revenu de base"

Friot est vraiment un militant anti-capitaliste. Donc il veut éliminer tout apport de capital et sa rémunération.
→ là je peux le rejoindre. Mais je me questionne quand même sur "comment avoir les moyens de ses ambitions" si on a pas de capital ??  

Le crowdfunding me semble une solution de plus en plus présente et efficace. Surtout pour les objets, car ça permet de faire une étude de marché via le crowdfunding avant même de devoir débourser quoi que ce soit en production.
(contrairement au crédit bancaire où l'on peut se retrouver avec des dettes sans avoir pu vendre son produit..)
Je développe tout ceci dans mon article sur ce que j'appelle l'artisanat industrielle... (ou pourquoi Marx s'est trompé..)

Friot a un idéal d'une société qui fonctionne comme une administration de fonctionnaire à la française:

  • → C'est typiquement une vision du monde de type bleue. Le classe de salaire le montrent bien.
  • Là j'ai de la peine. Moi je ne suis pas du tout dans cette vision du monde. Moi ça me hérisse les poils quand on me propose un tel idéal !!

Friot défend le travail salarié plutôt qu'indépendant. Car c'est plus rentable !!

  • c'est pas une aliénation de faire un boulot que pour le fric ??
  • → moi j'adhère pas !Là l'angle alpha de Lordon ne se réduit pas !!

Friot: la reconnaissance doit passer par la production, sinon nous acceptons qu'il y a une sous humanité qui ne correspond pas à une validation sociale de sa production !!!
→ Mylondo n'aime pas du tout cette affirmation et je le comprends.

Avec le revenu de base, revenu universel, on reconnait l'existence de la personne. Et ça suffit. C'est encore plus claire avec le terme "revenu d'existence".  

Mylondo dit: "revenu suffisant". Là Friot tourne autour du pot. Il ne veut reconnaitre que la production, et se sent obligé de reconnaitre l'existence par le fait que "tout le monde produit"....  Je ne comprends pas trop pourquoi il veut absolument placer le mot production !! ?

Quand il explique pourquoi "salaire" et pas "revenu", il utilise les mêmes arguments que j'aurai utilisé pour définir le contraire !!! 

Il dit que "salaire" reconnait que tout le monde produit !

Pour moi "Revenu" décrit que justement une part de monnaie nous revient.... naturellement.

Pour moi salaire ça vient du mot "sel". Etymologiquement, c'est issu des soldats romains qui étaient payés avec du sel. Pour moi salaire reconnait qu'il y a forcément une contrepartie dans le cadre d'un emploi.

Dans le terme "revenu de base inconditionnel", j'aime bien le inconditionnel, car justement il n'y a pas de contrepartie. Ainsi là on est clairement en opposition avec le mot salaire.

Quand on évoque le fait de supprimer la monnaie: Friot refuse de supprimer la monnaie pour diluer le pouvoir.  

Si on supprime la monnaie et les classes de salaire on fait resurgir les pouvoir par la fenêtre."il n'y a pas de société sans lutte de classe, car il n'y a pas de société sans pouvoir"

C'est fou cette peur du pouvoir.. c'est un truc typique d'une vision du monde "verte" de la spirale dynamique. C'est couper les têtes, c'est renverser les hiérarchies.

Donc là je vois que Friot doit avoir des valeurs ancrées à plusieurs étapes (ce qui est tout à fait normal).

Je me pose aussi toujours la question: Comment on définit la qualification pour savoir quelle classe de salaire on a droit ?

Là je pense qu'il y a de sacré leviers de pouvoir qui peuvent être mis en place. Donc ça m'étonne un peu d'une personne qui a peur du pouvoir qui revient par la fenêtre !

A propos du salaire à vie, il y a quand même toujours une question qui me tardaude....   et Mylondo l'a évoquée.

Si l'on ne rémunère pas le capital et que les salaires sont fixés en fonction des classes de salaires, donc une entreprise n'a pas d'autres charges que la matière première. Comment elle fixe les prix ?

Qu'est-ce qui incite les "entreprises" à vendre leur production plutôt que tout simplement la donner ?

Conclusions...

Je suis bien gentil quand même d'écrire tout ça pour une seule personne.... donc voilà. Maintenant c'est partagé avec les masses.

La réflexion était très intéressante. Je trouve que c'est stimulant de voir l'avis d'autres personnes de se mettre dans leur mode de pensée (via la spirale dynamique) et d'essayer de voir le monde comme eux.

Bien... j'ai toujours l'autre partie du mail à répondre... j'ai un tas de note de lecture... mais rien de texte écrit. Ça fait des mois de ça.... Je ne sais pas si un jour je finirai...

Donc voilà quand tu m'écris un mail... pourquoi je ne répond pas tout de suite ! 😛







Est-ce qu’il y a des règles dans une organisation Opale ?

Les nouveaux types d'organisation questionnent beaucoup de gens. Les organisation Opale comme les appelle Frédéric Laloux dans son livre: Réinventing Organizations

On entend aussi parler de Gouvernance partagée. Dans le monde des entreprises, on parle volontiers d'entreprises libérées.

J'ai aussi entendu parler de gouvernance horizontale... mais pour moi c'est faux !! ... ça n'a rien d'horizontal ! .. C'est la vision du monde précédente qui veut couper les têtes qui dépassent bannir toute forme de hiérarchie. (La vision du monde de l'étape verte de la spirale dynamique)

Bref... c'est pas clair pour tous. Il y a plein de noms différents et ce qu'il y a derrière est encore plus flou.

opale virgin-rainbow

J'ai vu dernièrement la question suivante:

Dans une entreprise opale, est-ce qu'il y a des règles de fonctionnement ?
Qui les fixe, qui est chargé de les faire respecter ?


Entreprise Opale ? Est-ce que ça existe vraiment ?

J'ai répondu à cette question et j'ai décidé de publier ma réponse à tout le monde. Ainsi ce sera peut être un peu plus clair pour toutes les personnes qui s'intéressent à ce genre d'organisations "bizarres".

Déjà petit détail, je parle d'organisation et pas d'entreprise Opale. Car pour moi, il y a un nom différent pour chacune des organisations qui correspond à une vision du monde. Si je reprends le modèle de la spirale dynamique, on a:

  • violet → tribu
  • rouge → gang
  • bleu → administration
  • orange → entreprise
  • vert → coopérative, association
  • jaune → réseaux
  • turquoise → organisation Opale

Pour en savoir plus à propos des organisations qui émergent des différentes visions du monde, j'ai fait cette vidéo:


Oui, il y a des règles dans une organisation Opale

Pour moi dans une organisation opale il y a des règles.
Dans tout groupe d'humain il y a des règles pourquoi l'org opale ferait exception ?
Souvent ces règles sont implicites !

Pourquoi est-ce que vous êtes tous venus à cette réunion habillés et pas à poil ?
→ Règle implicite de vie dans notre société.

Pour un bon fonctionnement dans une organisation il est bon d'expliciter les règles, les normes, le cadre, les valeurs, les à priori. (ici on ferme tout à clé, car on part du principe que tout le monde vol… ici on timbre, on note le temps de travail, car on part du principe que tout le monde fout rien…)

Qui décide dans une Organisation Opale?

La notion de qui décide dans une organisation dépend de la vision du monde de l'org… (les ancêtres, le chef de gang, la hiérarchie, le livre, les experts, le vote, le consensus, le consentement…)

Pour moi dans une org opale, le cadre est décidé avec tous par consentement. (personne ne dit non)
Voici un exemple de processus de prise de décision par consentement...

Puis l'opérationnel de tous les jours se fait par sollicitation d'avis. Chacun est souverain, mais doit prendre l'avis d'autres (des personnes concernées par la décision) pour décider en conscience.

Qui est chargé de faire respecter les règles ?

Comme le cadre est décidé en commun. C'est tout le monde qui a le droit de dire: là tu sors du cadre….. Là tu n'es plus en accord avec la raison d'être de l'organisation.

Au besoin, il existe des processus de gestion de conflit. Souvent c'est proches du système de sollicitation d'avis. Chacun est souverain. Mais l'avis extérieur est bienvenu.

Par exemple, c'est les parties en conflit qui s'arrangent. Si elles n'y arrivent pas, on demande des avis extérieurs.

Si ça ne marche toujours pas on demande à plus de monde, à des spécialistes du sujet concerné…. et si ça ne marche pas, il y a souvent le garant de la raison d'être de l'organisation, le fondateur, qui donne son avis…

Mais c'est toujours aux parties de décider.
En dernier recours c'est la séparation si ça ne marche pas.

On n'a pas de notion de police ou de juges extérieurs qui décident à la place des parties elles-même. Ceci évite des dérives autoritaires.

Etat et police tuent

Conclusions

Oui, il y a des règles dans les organisations Opale.
(Il n'y a que dans l'anomie qu'il n'y a pas de règles, contrairement à une idée répandue, il y a des règles dans l'anarchie.)

Les grandes règles, le cadre, les valeurs, la raison d'être vers laquelle tout le monde tend sont définis avec tout le monde. Souvent via un processus de consentement. (Personne ne dis non)

Dans l'opérationnel de tous les jours on décide plus volontiers avec la souveraineté de chaque individu et de chaque rôle par la méthode de la sollicitation d'avis.
(Chacun-e a le droit de prendre toute décision, mais a l'obligation de prendre préalablement des avis, surtout des personnes concernées.)

Qui est chargé de faire respecter les règles ? Et bien ce sont des règles faites en commun, donc c'est le reflet des valeurs de chaque personnes. Quand les règles viennent de soi, elles sont à priori mieux respectées.

Puis comme avec la sollicitation d'avis on compte sur la souveraineté personnelle. Chacun-e est garant-e du respect du cadre, des grandes règles et peut signaler à d'autres personnes qu'elles sortent du cadre.

Parfois il y a des processus de gestion de conflit. Le principe de base est que ce sont toujours les parties qui décident. Mais comme avec la sollicitation d'avis, il y a parfois des avis externes pour aider à dépatouiller la situation.

Les étapes de création d’un groupe selon Bruce Wayne Tuckman

Selon Tuckman, la constitution d'un groupe se fait en 5 étapes:

  1. Formation, constitution du groupe
  2. Tension, confrontation
  3. Normalisation, développement de la confiance
  4. Production, différentiation, exécution
  5. Dissolution, transformation. (un fork, un nouveau groupe extrait la connaissance acquise et va plus loin...)

La terminologie originale en anglais était:
Forming - storming - norming - performing - Adjourning 

C'est donc un processus dans lequel on se rencontre, on se jauge pour découvrir les gens, ceux qu'on aime ou pas.... puis c'est les premiers clash, divergences. On a besoin de décider mais on est pas tous d'accord.

Donc il y a toute une foule de règles qui se mettent en place. Ainsi les membres du groupe savent comment fonctionnent le groupe et la confiance se construit. On a plus l'angoisse de ne pas savoir comment ça marche. Qu'est-ce qui différentie notre groupe d'un autre ?

Quand le groupe est ainsi stable. Il est possible de produire, de créer, d'agir.
Bruce Tuckman avait cessé là sa théorie.

Quelques années plus tard Bruce Tuckman a ajouté une autre étape, celle de la dissolution et/ou de la transformation.

Car oui, les groupes se créent mais aussi se dissolvent. Mais ils ne disparaissent pas totalement, en général il y a quelques chose qui reste. On fait le bilan, on crée une autre forme avec l'information et les connaissances acquises jusque là.

On profite également de remercier et valoriser les gens qui ont participés. Là l'individu est à nouveau au centre, moins le groupe. Remercier les gens lors de la fin d'un projet, c'est aussi s'assurer de les avoir pour le projet suivant.
Les nouveaux groupes naissent souvent d'anciens groupes.

Lien avec la spirale dynamique

J'ai eu une révélation en prenant connaissance de ce modèle. J'ai fait un parallèle très intéressant avec le modèle évolutif de la spirale dynamique.

Voyons la corrélation entre les étapes de la création d'un groupe selon Tuckman et la spirale dynamique.

1ère étape: on constitue le groupe → étape violette... les anciens dirigent. On agit par tradition d'autre groupe ? On agit en tribu.

2ème étape: on jauge les autres. Il y a des clans, des affinités ou pas... → étape rouge. Affirmation de soi et notion de chef de gang.

3ème étape: on normalise pour créer la confiance → étape bleue. L'étape normative. Le livre dit la règle. On sacrifie l'individu pour le groupe.

4ème étape: on produit. → étape orange. Peu importe le moyen, l'important est l'objectif et d'y arriver de manière rationnelle avec les plus compétents.

5ème étape: bilan, remerciement, dissolution transformation. → étape verte. L'humain, l'individu compte plus que la production. On prend l'avis de tous.

spirale_dynamique

Bruce Wayne Tuckman s'arrête ici. Mais avec l'analogie de la spirale dynamique, on voit qu'il y a d'autres étapes !!!

D'autres étapes que Tuckman n'a pas vues ?

Si il y a vraiment une analogie entre les étapes de création d'un groupe selon Tuckman et la spirale dynamique, on devrait pouvoir trouver de nouvelles étapes au modèle de Tuckman !

Que peut on imaginer ? Dans les spirales dynamique, après l'étape verte, il y a l'étape jaune. L'étape systémique. On est à nouveau dans l'individu, la survie... tenter d'avoir une vision globale, de créer des réseaux.

Là en terme de groupe, je me dis que le groupe n'est peut être pas très fort. Mais c'est un réseaux de groupes qui vont tenter de se créer, on va faire un gros projet tout en étant pas totalement dans le groupe...

Puis l'étape d'après, c'est l'étape turquoise. Là, le ou les groupes se fédèrent autour d'une raison d'être commune.

Donc dans cette étapes de création de groupe que j'imagine, en fait on crée une fédération de pleine de mini groupes qui vont se créer et mourrir, des groupes de styles très variés, certains juste pour être, réseauter, discuter, et d'autres pour agir, produire. Mais tous sont alignée sur une raison d'être globale.

Voilà donc un peu de prospective !

Lien avec la méthode du rêve du dragon

Mais c'est pas fini !

J'ai aussi fait un lien avec la méthode du rêve du dragon !!
Il y a 4 étapes:

  • rêver
  • planifier
  • agir
  • célébrer

On retrouve le fait de créer un groupe autour d'une intention, d'une vague idée. On rêve à tout ce qui pourra être fait.

Puis on commence à s'organiser, à planifier ce qui peut être fait et comment. Le monde des ressources.

Ensuite, on agit. On met en place ce qui était planifié.

Puis une fois que c'est fait. On va célébrer, remercier, faire le bilan.

Et enfin on recommence.

C'est le cycle prévu avec la méthode du rêve du dragon. Ceci en mode fractal. On trouve chaque étape dans chaque étape !

Bref, il y a certainement une vérité là derrière. On retrouve le même genre de schéma fractal dans 3 méthodes !

Evolution de la place du leader d'une organisation

Pour terminer, j'aimerai encore aborder la place du leader dans la création d'un nouveau groupe.

Pour aider on peut faire une petite représentation graphique d'une organisation sous la forme d'une étoiles à 5 branches. Chaque sommet représente un individu et les liens entre eux l'étoile.

Au début le leader est central. C'est lui qui a proposé de se rassembler, de créer un groupe. C'est lui qui a l'autorité, le pouvoir. C'est l'expert et le prof tout en un. Tout passe par lui.

Puis le leader s'éloigne du centre. Des tâches sont déléguées. Tout ne passe plus par lui. Il est un individu du réseau. Il fait toujours le prof, mais est aussi parfois observateur.

Puis le leader sort du réseau, de l'étoile. Il est en orbite autour. Le groupe fonctionne par lui même, mais le leader est encore présent comme expert, comme modérateur, comme personne qui détient des infos. Il est le décideur quand il y a besoin de trancher.

Enfin le leader est hors du groupe. Il n'a plus de lien direct. Il reste une personne ressources en cas de besoin. Il observe de l'extérieur.

On retrouve là le fonctionnement tout à fait étrange pour beaucoup qu'on a dans les organisations Opales. (Selon Frédéric Laloux)

C'est à dire le fondateur qui ne sert à rien à l'opérationnel, mais qui n'est là que pour garantir que l'organisation fonctionne d'une certaine manière.

Le fondateur est en quelque sorte le garant de la raison d'être originelle de l'organisation. Mais il a donné tout le reste de son pouvoir aux processus de l'organisation.

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